Dr Kin
HIIT

10 minutes par jour pour être en forme?

La dernière tendance des infopubs mise sur une réduction considérable du temps requis pour se mettre en forme afin de vendre leurs plus récents produits. J’ai cherché à savoir s’il était effectivement possible d’être en forme en complétant 10 min d’exercice par jour.

J’ai survolé l’ensemble des témoignages associés à ce type de produits et la majorité des utilisateurs mentionnent avoir perdu du poids et se sentir plus en forme. D’un point de vue marketing, c’est idéal, car les principaux points d’intérêts pour un bon nombre de gens se situent au niveau du temps requis pour compléter l’entraînement et des résultats souhaités qui sont habituellement une perte de poids afin d’améliorer l’apparence (même si on ne le dit pas forcément en ces termes) et ressentir moins de fatigue au quotidien. Jusqu’à présent, le produit répond au besoin. J’en veux presque un…

On nous promet un entraînement complet en 10 min, accessible et qui vous garantit des résultats au niveau de la perte de poids et du niveau d’énergie. Afin de déterminer si effectivement il est possible d’améliorer la condition physique et la composition corporelle de cette façon, il faut établir qu’elle est la relation dose-réponse entre la quantité/qualité d’exercice et l’amélioration des qualités physiologiques et de la composition corporelle. Avant de nous lancer dans un survol de la littérature, tentons de déterminer ce qu’il est possible de faire en 10 min…

Un des produits les plus populaires mentionne faire usage d’une nouvelle méthode d’entraînement, le « stacking ». Cette méthode permet de combiner plusieurs mouvements/exercices en un seul et ainsi augmenter le niveau de sollicitation au maximum. Alors, « stackons » une séance de 10 min.

Prenons par exemple un sympathique adepte du conditionnement physique bénéficiant d’une capacité aérobie de 50 mL par kg de poids par min, pesant 75 kg et démontrant une expérience en musculation lui permettant d’exécuter à la perfection n’importe quel mouvement de musculation.

Mettons de côté l’échauffement, car il s’agirait d’une perte de temps qui grugerait de précieuses secondes à notre entraînement (sic! Voir l’article à ce sujet). Notre comparse va maintenir une puissance aérobie constante de 120 % de sa capacité aérobie pendant l’ensemble des 10 min de l’entraînement ce qui lui permettra de dépenser au minimum 225 kcal. Oui, je sais, 120 % de la capacité aérobie pendant 10 min, ça craint. Ce n’est qu’un exemple où il n’est pas grave si le participant décède pendant l’activité…

Pendant cet effort, nous allons stacker des exercices de musculation polyarticulaires afin de maximiser la sollicitation. Ajoutons un exercice d’arraché à la barre jumelé avec une flexion des bras suivie d’une extension des bras pour en faire un mouvement « stacké » et complet. En exécutant les mouvements rapidement, nous pouvons attribuer un temps requis par répétition d’environ 2 sec. Au diable le repos, pas de temps à perdre, notre surhomme va exécuter des répétitions sans arrêt pour 10 min avec une charge optimale pour son développement. 10 min, ça nous fait 600 sec donc un total de 300 répétitions pour la séance (si ça paraît beaucoup, c’est l’équivalent de 10 exercices où l’on complète 3 séries de 10 répétitions à chacun d’eux soit une séance relativement normale simplement condensée en 10 min). Je vous épargne les calculs, mais disons que le coût métabolique de ce volume d’entraînement est d’environ 150 kcal. Donc, notre « stacking », méthode fabuleuse s’il en est une, nous permettra de solliciter le système aérobie à 120 % tout en maximisant le développement musculaire à l’aide d’exercices de musculation complets, l’ensemble de l’œuvre permettant une dépense énergétique de 225 kcal + 150 kcal, donc 375 kcal. Wow, tout simplement fabuleux!

Ah! J’oubliais la flexibilité! Nous ferons l’exercice aérobie combiné avec les mouvements de musculation en y ajoutant des mouvements de Yoga afin d’y ajouter une touche de flexibilité.

Loin de moi l’idée d’insulter votre intelligence, mais vous avez rapidement conclu qu’il était impossible de combiner tout ça en 10 minutes (non, vous ne dépenserez pas 375 kcal!). Il faut donc couper afin d’être en mesure de compléter la microséance. Ce n’est plus un entraînement complet en 10 min… Mais, quel est le minimum requis pour progresser? Ça, c’est la question qui nous intéresse réellement.

Quantifier les gains en fonction de l’effort requis (dose-réponse pour les intimes) est une des questions parmi les plus difficiles à répondre. Beaucoup de facteurs influencent cette relation, le niveau initial de condition physique, la nature de l’entraînement, le contexte, etc. Cependant, il existe quelques données sur lesquelles il est possible de s’appuyer sans toutefois y croire aveuglément. Du côté de l’amélioration de la capacité aérobie, Duscha et coll1. a rapporté une augmentation de la capacité aérobie de 6.5 % de la capacité aérobie sur 6 mois en complétant 179 min d’entraînement aérobie (jogging) où 17 km par semaine étaient parcourus sur une moyenne de 3.5 entraînements pour un estimé de 1221 kcal par semaine (correspondant à une intensité de 40-55 % de la capacité aérobie). En comparaison, un autre groupe a subi une augmentation de 19 % de la capacité aérobie en complétant 175 min d’entraînement aérobie (jogging) par semaine où 27 km étaient répartis sur une moyenne de 3.7 entraînements par semaine pour un estimé de 2024 kcal (correspondant à une intensité de 65-80 % de la capacité aérobie). Toutefois, plus récemment certaines chercheurs ont observés une amélioration de la capacité aérobie et de certains paramètres de la santé cardiovasculaire lorsque l’entraînement était constitués de courts intervalles à faible volume et haute intensité. Cependant, les gains observé l’on été sur une courte période, généralement quelques semaines. Il faut également comprendre que l’intensité du travail aérobie est très élevées et qu’il ne s’agit pas d’être uniquement essoufflé pendant quelques minutes pour obtenir ce type de résultats. Autre point important, il est fort probable que l’amélioration de la capacité aérobie ne puisse pas éternellement se poursuivre avec un volume d’entraînement si faible (au début 10 min peuvent suffire, mais pas après quelques semaines d’entraînement). Malheureusement, dans un contexte d’entraînement complet, si notre 10 min est entièrement alloué au travail de la capacité aérobie, on risque de négliger d’autres composantes de la forme physique.

Du côté de l’entraînement en musculation, un long débat avait fait rage il y a de ça quelques années, opposant les partisans du 1 série d’entraînement à ceux des séries multiples2-5. Encore une fois, plusieurs facteurs peuvent influencer l’impact d’un volume d’entraînement différent sur la force ou encore sur l’hypertrophie musculaire. Si nous nous attardons à l’hypertrophie musculaire, Krieger2 rapporte dans une analyse approfondie que la réalisation de 4 à 6 séries par groupe musculaire permettait des gains supérieurs (40 %) que lorsqu’une seule série était complétée.   De façon similaire, on observe des gains plus importants (presque le double) en force musculaire lorsque 4 séries sont complétées par groupe musculaire comparativement à une seule. Petite distinction à faire au niveau de l’intensité en fonction du niveau d’expérience des participants, les néophytes semblent davantage profiter d’une intensité à 60 % du 1RM comparativement à 80 % du 1RM pour les plus expérimentés. Encore une fois, nous sommes bien loin du 10 min par jour.

En fait, le 10 min par jour ne rencontre même pas les recommandations les plus faibles en matière d’activité physique (~20 min par jour). Il faut donc que ce type d’entraînement soit combiné à d’autres activités physiques afin de pouvoir espérer procurer des bénéfices santé intéressants. On ne s’en sort pas, il faut être plus actif que 10 min par jour pour être en forme.

Cependant, on souligne une perte de poids importante chez les gens suivant ce type de programme. Pourquoi? Simplement à cause du petit document intitulé « plan alimentaire » qui accompagne le programme. Ce plan alimentaire est presque toujours hypocalorique ce qui cause une perte de poids systématique, que l’entraînement soit complété ou non. Si on se fie uniquement au poids, le programme fonctionne à merveille (pas le programme, mais plutôt la restriction calorique). Cette simple perte de poids peut avoir un effet extrêmement positif sur le moral à court terme. Mon poids me préoccupait, il était source d’angoisse, mais maintenant que je perds du poids tout va pour le mieux. Je me sens plus en forme. Cependant, dès l’abandon inévitable de la diète hypocalorique, le moral va redescendre et fort probablement que les bénéfices perçus disparaîtront.

En terminant, je ne pense pas que les entraînements de type 10 min par jour tel que commercialisé par les infopubs ne procurent la moitié des résultats qu’ils promettent. Ce type d’entraînement, combiné avec autre chose peut possiblement avoir un impact favorable sur la santé. Mais, seul, j’en doute fort…

Références

1.            Duscha BD, Annex BH, Johnson JL, Huffman K, Houmard J, Kraus WE. Exercise dose response in muscle. International journal of sports medicine. Mar 2012;33(3):218-223.

2.            Krieger JW. Single vs. multiple sets of resistance exercise for muscle hypertrophy: a meta-analysis. Journal of strength and conditioning research / National Strength & Conditioning Association. Apr 2010;24(4):1150-1159.

3.            Krieger JW. Single versus multiple sets of resistance exercise: a meta-regression. Journal of strength and conditioning research / National Strength & Conditioning Association. Sep 2009;23(6):1890-1901.

4.            Peterson MD, Rhea MR, Alvar BA. Maximizing strength development in athletes: a meta-analysis to determine the dose-response relationship. Journal of strength and conditioning research / National Strength & Conditioning Association. May 2004;18(2):377-382.

5.            Rhea MR, Alvar BA, Burkett LN, Ball SD. A meta-analysis to determine the dose response for strength development. Medicine and science in sports and exercise. Mar 2003;35(3):456-464.

6.            Bemben DA, Bemben MG. Dose-response effect of 40 weeks of resistance training on bone mineral density in older adults. Osteoporosis international : a journal established as result of cooperation between the European Foundation for Osteoporosis and the National Osteoporosis Foundation of the USA. Jan 2011;22(1):179-186.

7.            Berent R, von Duvillard SP, Crouse SF, Sinzinger H, Green JS, Schmid P. Resistance training dose response in combined endurance-resistance training in patients with cardiovascular disease: a randomized trial. Archives of physical medicine and rehabilitation. Oct 2011;92(10):1527-1533.

8.            Bickel CS, Cross JM, Bamman MM. Exercise dosing to retain resistance training adaptations in young and older adults. Medicine and science in sports and exercise. Jul 2011;43(7):1177-1187.

9.            Crewther BT, Cook C, Cardinale M, Weatherby RP, Lowe T. Two emerging concepts for elite athletes: the short-term effects of testosterone and cortisol on the neuromuscular system and the dose-response training role of these endogenous hormones. Sports Med. Feb 1 2011;41(2):103-123.

10.          Iwasaki K, Zhang R, Zuckerman JH, Levine BD. Dose-response relationship of the cardiovascular adaptation to endurance training in healthy adults: how much training for what benefit? J Appl Physiol. Oct 2003;95(4):1575-1583.

11.          Kumar V, Selby A, Rankin D, et al. Age-related differences in the dose-response relationship of muscle protein synthesis to resistance exercise in young and old men. The Journal of physiology. Jan 15 2009;587(Pt 1):211-217.

12.          Nicola F, Catherine S. Dose-response relationship of resistance training in older adults: a meta-analysis. British journal of sports medicine. Mar 2011;45(3):233-234.

13.          Peterson MD, Rhea MR, Alvar BA. Applications of the dose-response for muscular strength development: a review of meta-analytic efficacy and reliability for designing training prescription. Journal of strength and conditioning research / National Strength & Conditioning Association. Nov 2005;19(4):950-958.

14.          Slentz CA, Houmard JA, Kraus WE. Exercise, abdominal obesity, skeletal muscle, and metabolic risk: evidence for a dose response. Obesity (Silver Spring). Dec 2009;17 Suppl 3:S27-33.

15.          Williams PT. Attenuating effect of vigorous physical activity on the risk for inherited obesity: a study of 47,691 runners. PloS one. 2012;7(2):e31436.