Dr Kin
Une œuvre scénique dépeignant l'intimité de deux individus profitant d'une ambiance côtière.

Art, science et sexe

Pour beaucoup de gens, l’entraînement n’est pas une chose compliquée : il s’agit de faire les efforts et les résultats suivront. Sinon, c’est que la génétique n’est pas favorable ou tout simplement que la volonté n’y est pas. Avec les années, j’ai appris (bien malgré moi) à ne plus m’insurger contre ce genre de commentaire/raisonnement. Oui, j’ai étudié longtemps (et j’étudierai probablement toute ma vie ce domaine) et je ne peux que conclure que l’entraînement, c’est tout sauf simple.

L’entraînement, c’est beaucoup plus complexe que ce que le commun des mortels est porté à croire. Il y a une quantité astronomique de variables qui sont parfois difficiles à contrôler (et même trop souvent incontrôlables). Résumer l’entraînement à une notion d’effort et de souffrance, c’est simplifier une navette spatiale à un bouton de décollage pour le lancement et un train d’atterrissage pour le retour sur Terre. C’est assez simple, non?

L’art

Pour beaucoup d’entraîneurs, l’entraînement c’est un art. On suit ses intuitions, on prescrit au « feeling ». Certes, beaucoup vont s’appuyer sur des connaissances (comme le peintre sur les notions de couleurs, d’équilibre, etc.), mais leur démarche est très rarement supportée par une démarche scientifique. On se contente de peindre un tableau. Si le résultat est bien, on l’expose (les photos de réussite de leurs clients) et si le résultat est moins bien, on jette la toile et on essaie autre chose. Ce travail, c’est la démarche d’un artiste et pas d’un scientifique. Pourtant, trop de ces entraîneurs ont des prétentions scientifiques et mentionnent qu’ils s’appuient sur des études, sur des concepts, etc. C’est un peu comme si un artiste-peintre clamait haut fort sont statut de spécialiste en chromatographie. L’art c’est bien et il est important que la démarche de création artistique se démarque d’une démarche scientifique. Du moins, pour le domaine des arts (oui, il s’agit là d’une opinion personnelle, c’est le but d’un blogue…). Ne vous méprenez pas, je n’ai rien contre les artistes de l’entraînement, je trouve qu’ils font très souvent un travail original et imaginatif. J’en ai contre les imposteurs. Qu’on appelle un artiste un artiste.

La science

Pour d’autres entraîneurs, l’entraînement, c’est une science. S’ils sont beaucoup moins nombreux que les artistes, il n’en demeure pas moins qu’ils sont parfois présents dans nos centres de conditionnement physique. L’entraîneur scientifique diffère de l’entraîneur-artiste par sa méthodologie (parfois envahissante) et son approche de type pas à pas. On évalue, on met en place une intervention ciblant des variables précises, on réévalue et on constate les résultats si résultat il y a. Pourquoi sont-ils moins nombreux? Parce qu’ils sont trop souvent confrontés à leur échec. Le problème de mesurer le changement, c’est d’être pris avec le résultat, bon ou moins bon. Les clients ont tendances à perdre leur motivation lorsque les résultats ne sont pas au rendez-vous. Malheureusement, la tentation est souvent trop forte et certains finissent par corrompre la méthode scientifique en modifiant les résultats ou en pervertissant les explications. Question rétention des clients, l’artiste a le beau rôle alors que le scientifique marche sur la corde raide.

Le sexe

En fait, l’entraînement, c’est du sexe (tout va bien, je vous rassure). La reproduction sexuée se démarque par la création d’un individu différent de ses parents, idéalement une version plus évoluée (2.0 pour les amateurs technophiles). Le but de l’entraînement est donc de développer une version améliorée de l’individu. Il s’agit d’un coït entre une multitude de variables qui vont donner un individu nouveau.

L’entraînement fait donc office de relation sexuelle. Ce type de relation, pour être efficace, ne peut pas uniquement se baser sur une approche méthodique (scientifique) ou sur une approche plus libertine (artistique). Il faut un juste équilibre afin de procréer (les préliminaires avant de passer à l’action biologique). Afin de réussir, pourquoi ne faudrait-il pas une habile combinaison entre l’intuition et le rationnel? À en écouter plusieurs, cette réalité est totalement impossible. Jamais, un entraîneur-artiste ne pourra se conformer à utiliser une méthode rigoureuse et jamais un entraîneur-scientifique n’osera s’abaisser à écouter son « feeling ».

Pourtant, quand on s’attarde aux publications scientifiques, on réalise rapidement qu’il est excessivement difficile de simplement mesurer l’impact d’un programme d’entraînement sur un groupe d’individus. Trop de variables incontrôlables (de la météo en passant par le hockey du samedi soir et l’épicerie du jeudi). Une brève revue de littérature (pubmed.org) avec les mots clés « resistance training », « exercise training », et « training adaptations » vous décevra. Vous ne trouverez pas de notion extraordinaire, de recette miracle, de programme d’entraînement hyper sophistiqué. Vous allez trouver des entraînements très ordinaires (quand ils sont décrits) avec des conclusions souvent très conservatrices. Inversement, dans des magazines plus artistiques (de type MuscleQuelquechose) vous y trouverez de l’art à sa plus pure expression sous forme de programmes de type peinture à numéros (faites ceci et ça marche, pourquoi, parce que le gars sur l’image le dit). Si aujourd’hui les deux approches sont malheureusement aux antipodes, j’ai espoir qu’il y ait une révolution éclairée sous peu dans le domaine de l’entraînement.

Un entraîneur se doit d’être le parfait croisement entre Picasso et Copernic.