Dr Kin
cortisol

Ce n’est pas de ma faute, c’est mon cortisol

À force de naviguer sur la Toile et à fréquenter le milieu du conditionnement physique, je réalise que la tendance actuelle en matière de perte de poids touche la relation poids-hormones.

Avant, on vendait au pauvre quidam une série de produits visant à stimuler (« fat burner») l’organisme, à couper la faim ou une astucieuse combinaison des deux. Malheureusement, comme toute tendance dans le domaine de la perte de poids, l’engouement s’estompe et l’industrie doit se tourner vers autre chose. C’est habituellement à ce moment que l’industrie de la perte de poids se tourne vers les études scientifiques pour trouver son second souffle. Or, ces dernières années les études se sont penchées sur la relation entre le poids, les gènes et certaines hormones. Comme on ne peut pas vraiment commercialiser des gènes, pourquoi pas exploiter les hormones? Il s’agit d’un filon fort intéressant : c’est trop compliqué pour que le commun des mortels puisse maitriser le sujet, c’est suffisamment ésotérique pour attirer une vaste clientèle et en plus, on en parle dans la littérature scientifique. Bingo!
Je vais subtilement éviter les dérèglements de la glande thyroïde, car ces derniers sont relativement rares (incidence hypothyroïdie <2.5%) et ont un effet démontré sur la composition corporelle. Je vais plutôt m’attarder sur le cortisol qui retient tout particulièrement l’attention ces temps-ci.

 Qu’est-ce que le cortisol? Pour une définition intéressante, je vous invite à consulter Wikipédia . Oui, je sais que ce n’est pas toujours une source d’information fiable, mais, dans ce cas-ci, cela me semble décent comme définition et rôles.

En résumé, le cortisol est synthétisé à partir du cholestérol et sécrété par les glandes surrénales le tout, sous la juridiction de l’hypothalamus. On l’associe habituellement à l’hormone du stress, ce dernier étant défini comme étant la réponse adaptative à une stimulation et non pas uniquement à la pression ressentie lors de la saison des impôts. Par exemple, un changement de température est un stress tout comme un changement de luminosité. Il ne faut donc par réduire le stress aux émotions perçues lors d’un exposé oral… Un autre effet très intéressant du cortisol est sont action anti-inflammatoire (des médicaments en sont dérivés). C’est là que l’on peut commencer à faire un lien avec la composition corporelle.
Les variations de poids (prise comme perte) plus ou moins rapides engendrent une réponse de l’organisme (une réponse inflammatoire entre autre), car il s’agit d’un stress. Par exemple, on retrouve des quantités élevées de cortisol chez des femmes anorexiques [1] et chez des individus soumis à une restriction énergétique entraînant une perte de poids [2] alors que l’on peut retrouver des niveaux relativement bas de cortisol chez des individus obèses dont le poids est stable [3]. Le cortisol se trouve donc à fluctuer en fonction du stress (dans nos exemples, le stress est caractérisé par une variation de poids) et non pas l’inverse ( le cortisol monte  ou descend ce qui « créer » un changement de poids). Cependant, le discours actuel de l’industrie de la perte de poids est à l’inverse de ce raisonnement : on affirme que le cortisol s’élève et entraine un gain de poids (alors comment expliquer nos individus obèses avec des faibles concentrations de cortisol ?). On pousse cette logique douteuse, mais, ô combien sexy question marketing, encore plus loin en disant que le stress (ici définit comme étant le stress psychologique, au travail par exemple) augmente le cortisol qui lui, à son tour vous fait prendre du poids. On beurre encore plus épais en affirmant que votre humeur influence le cortisol qui à son tour dicte votre prise ou votre perte de poids. Si vous êtes heureux, vous perdrez du poids et si vous êtes malheureux, vous en prendrez. Ici, je vais citer un collègue, monsieur David Dulude qui, lors d’une conférence à laquelle nous assistions tous deux, m’a bien fait rire en faisant l’analogie suivante :

« Si la perte de poids est associée à l’humeur, les pauvres prisonniers des camps de concentrations Nazis devaient vivre un vrai party parce qu’ils en ont perdu une tonne de poids… »

Vous comprendrez qu’il n’y a rien de drôle dans cette page tragique de l’histoire, mais, qu’il s’agit d’une analogie puissante qui permet de démanteler le concept du cortisol créateur de surpoids et d’obésité. Certains petits futés vont renchérir avec quelques publications scientifiques comme cette dernière :

Stress-related development of obesity and cortisol in women [4]

Pour résumer rapidement, cette étude tentait de démontrer un lien entre le stress, les niveaux de cortisol et la prise de poids/obésité. Si l’on s’arrête uniquement à quelques chiffres, il est tentant d’y croire. Il y a un hic! assez important qui nous empêche d’abonder dans le même sens qu’eux. L’activité physique n’a pas été mesurée directement, des questionnaires ont été utilisés afin de déterminer le niveau d’activité physique volontaire. Pas de mesure directe et objective, mais plutôt une mesure extrêmement subjective, car elle fait appel à la mémoire des répondants et à leur égo (quoi, moi je bouge tout le temps voyons!). On omet de mesurer toute l’activité physique spontanée (voir mon article pour les définitions sur le sujet). Un autre élément clé n’a pas été mesuré : le sommeil. Le cortisol et l’activité physique sont également influencés par le sommeil et les individus en carence de sommeil présentent des niveaux plus élevés de cortisol [5-6] et des niveaux faibles d’activité physique (je vais d’ici le printemps sortir quelque chose là-dessus, promis!).

Donc, la prise de poids serait en fait, fort probablement reliée à une diminution du niveau d’activité physique (donc moins de calories dépensées) causée par des carences au niveau de la récupération. On est bien loin du cortisol comme agent créateur de bedaine…

Même si les « cures » de perte de poids misant sur un rebalancement hormonal semblent alléchantes, leurs fondements demeurent des plus douteux. Pourquoi? Parce qu’on affirme qu’elles sont supportées par des données scientifiques (qui tardent à venir, j’attends encore la liste des sources des compagnies utilisant ce type d’approche, 3 ans, ça fait long à attendre…) qui n’apparaissent nulle part ou qui ne supportent en rien les propos des intervenants. Habituellement, ces cures font en sortes que les participants augmentent leur niveau d’activité physique, suivent une diète hypocalorique et tentent de modifier leur rythme de vie. Si ce n’était que ça, il n’y aurait que peu de problèmes, mais, le fait d’y ajouter une pléiade de pseudo produits afin de gérer les hormones à un prix faramineux tend davantage vers l’arnaque que du traitement.

Sur ce, je vais à nouveau relancer les différentes compagnies qui font des interventions dites hormonales afin de tenter de mettre la main sur leurs sources et éventuellement de bien humblement me rétracter devant leurs évidences crédibles, vérifiées et vérifiables. Ne retenez surtout pas votre souffle, votre cortisol risque de grimper en flèche…

1.            Misra, M and A Klibanski. Neuroendocrine consequences of anorexia nervosa in adolescents. Endocr Dev 2010; 17. 197-214.

2.            Tomiyama, AJ, T Mann, D Vinas, JM Hunger, J Dejager, and SE Taylor. Low calorie dieting increases cortisol. Psychosom Med 2010; 72(4). 357-64.

3.            Travison, TG, AB O’Donnell, AB Araujo, AM Matsumoto, and JB McKinlay. Cortisol levels and measures of body composition in middle-aged and older men. Clin Endocrinol (Oxf) 2007; 67(1). 71-7.

4.            Vicennati, V, F Pasqui, C Cavazza, U Pagotto, and R Pasquali. Stress-related development of obesity and cortisol in women. Obesity (Silver Spring) 2009; 17(9). 1678-83.

5.            Van Cauter, E and KL Knutson. Sleep and the epidemic of obesity in children and adults. Eur J Endocrinol 2008; 159 Suppl 1. S59-66.

6.            Leproult, R and E Van Cauter. Role of sleep and sleep loss in hormonal release and metabolism. Endocr Dev 2010; 17. 11-21.