Dr Kin
Silhouette, femme, jogging, eau.

Courir un marathon peut-il vous permettre de maigrir?

L’entraînement aérobie est très souvent utilisé afin d’orchestrer une perte de poids. Pour plusieurs, il s’agit d’une logique sans faille, plus on fait du cardio, plus on a des chances de maigrir. Je me suis donc intéressé à la question suivante : est-ce que le fait de courir un marathon (épreuve d’endurance aérobie s’il en est une) peut s’avérer un élément favorisant la perte de gras ou au contraire si cela risque de causer plus de tords ?

Si la question est en apparence fort simple, la réalité est légèrement plus compliquée. Pour ceux et celles qui ont déjà parcouru de longues distances en courant (un demi-marathon ou un marathon), vous savez que les lendemains peuvent parfois être quelque peu éprouvants. La fatigue, les courbatures et les autres douleurs peuvent être extrêmement incapacitantes suite à l’épreuve et avoir un impact néfaste sur votre niveau d’activité physique quotidien. En clair, est-ce que la fatigue générée par un marathon cause une diminution de votre activité physique à un point tel que les calories dépensées pendant la course se volatilisent sur le sofa les jours suivants?

Afin de répondre à cette question, j’ai porté un accéléromètre (Actigraph GT3X+) pendant les journées précédant mon marathon, pendant la course et pendant les 5 jours suivants l’épreuve de 42.195km. Je vais me permettre un rappel pou ceux et celles qui n’auraient pas toujours suivi mes articles. Un accéléromètre permet, comme son nom l’indique subtilement, de mesurer les accélérations. En portant un accéléromètre, il est possible de quantifier les accélérations subies par le corps et de les convertir en valeur d’activité physique (intensité, volume). Il est également possible de convertir ces valeurs en calories pour obtenir un indicateur de la dépense énergétique associée à l’activité physique.

Tout ça pour tenter de déterminer si effectivement, une grande quantité d’activité physique pouvait jouer un rôle négatif sur le niveau d’activité physique à plus grande échelle.

La figure 1 présente les valeurs d’accélérométrie pour l’ensemble de la période d’observation soit 11 jours (5 jours avant, le jour du marathon et 5 jours après). Dans un premier temps, observons le temps attribué à l’activité physique (la ligne bleue ou celle du bas pour les daltoniens). Nous pouvons constater qu’il y a peu ou pas de différence entre les jours qui précèdent le marathon et ceux qui le suivent. En fait, il est même possible d’observer une diminution de la durée des activités physiques la journée du marathon (oui, je l’ai couru à pied et non en voiture pour ceux qui s’inquiètent), c’est-à-dire que le jour de la course, en terme de durée, j’ai réalisé un peu moins d’activité physique que les autres jours (parce que voyez-vous, mis à part le marathon, je n’avais pas prévu faire autre chose cette journée. Je sais, je suis lâche parfois).

 

Figure 1: Évolution de l’activité physique avant, pendant et après un marathon

De façon bien évidente, nous ne pouvons pas uniquement regarder le temps passé à pratiquer de l’activité physique, il faut également regarder l’intensité des activités pratiquées. Je vous invite maintenant à observer l’évolution de la ligne rouge (celle du dessus…). Vous êtes à même de constater qu’effectivement, malgré la durée d’activité physique peu impressionnante de ma journée de course, je me suis bien repris avec l’intensité. La dépense énergétique pour la journée du marathon est bien au-delà de mes autres journées pré et post événement.

Là où je me suis surpris, c’est dans la suite des choses. Ma perception de mon niveau d’activité physique post marathon est bien différente de la réalité mesurée par l’accéléromètre. Si on me pause la question, à savoir si mon niveau d’activité physique post course a été influencé par mon marathon, je réponds sans hésiter que oui. J’étais fatigué et selon moi, j’ai moins bougé que les jours qui précédaient ma course. Me voilà donc très surpris de constater qu’il n’y a pas de différence significative entre l’avant et l’après marathon en ce qui concerne l’activité physique (la dépense énergétique et la quantité en min). Oui, je sais que l’on peut voir sur la figure que les courbes remontent un peu plus haut que les jours avant la course, mais si on tient compte de la variation associée à la mesure et aux fluctuations quotidiennes normales, il n’y a pas vraiment de différence.

Donc, malgré ma perception qui me dicte le contraire, mon niveau d’activité physique n’a pas été affecté à la baisse par la fatigue causée par le marathon. Je peux donc conclure que dans mon cas, participer à un marathon a effectivement augmenté mon niveau d’activité physique sans avoir un impact négatif sur l’activité physique des jours suivants. La figure 2 présente l’activité physique (min et kcal) moyenne pour les jours pré marathon, pour la journée du marathon et pour les jours post marathon. Cette figure confirme qu’il n’y a pas eu plus d’activité physique en termes de durée (min), mais que la dépense énergétique (donc forcément l’intensité) a été grandement augmentée (par plus de 1300 kcal) lors de la journée de la course sans être affectée à la baisse par la suite.

 

Figure 2: Comparaison du niveau d’activité physique moyen avant, pendant et après un marathon

Nous sommes loin d’avoir un échantillon qui pourrait s’avérer représentatif de la population (je suis le seul sujet de l’étude), mais nous pouvons tout de même dénoter quelques éléments intéressants jusqu’à présent.

Maintenant, quand est-il de la quantité de gras utilisée lors de la course? Combien de kg de gras ai-je bien pu faire fondre (non pas que j’en ai de trop…)? Le gras est une source d’énergie biologique extrêmement dense ce qui veut dire qu’une petite quantité peut fournir beaucoup d’énergie. D’un point de vue propre à l’évolution, c’est une excellente nouvelle : nous avons un carburant compact (peu de coûts de transport) et riche en énergie. Cependant, dans un environnement où il est rendu difficile d’utiliser du carburant, les barils de pétrole s’accumulent dangereusement dans l’entrepôt pour bon nombre d’heureux citoyens. Alors, combien de gras ai-je utilisé pendant ma course? À l’aide de calculs (oui je sais, vous n’aimez pas les calculs. Je passerai rapidement à la réponse) il est possible d’estimer la quantité de gras oxydée pour la durée de la course. J’estime que j’ai couru mon marathon à environ 70 % de ma capacité aérobie (d’autres calculs), j’ai donc utilisé approximativement (si mes calculs sont bons) 65 g de gras et 564 g de glucides. Nous sommes bien loin du kilo de gras!

En fait, si dans mon cas, un marathon n’a pas eu de répercussion négative sur l’activité physique des jours qui suivent, il n’en demeure pas moins que cela ne peut suffire à générer une perte de gras permettant un changement notable de la composition corporelle. Il est également très important de noter que je n’ai même pas considéré une autre variable importante : l’impact de l’activité physique sur l’appétit et les apports nutritionnels.

En terminant, en hommage à Steve Jobs, « one last thing » (Steve Jobs terminait souvent ses présentations de cette façon) : il importe de développer une perception globale de ce qu’est l’activité physique et des impacts potentiels sur la santé et la composition corporelle. On ne peut considérer une activité physique de façon ponctuelle, il faut absolument penser à modifier des paramètres qui perdurent dans le temps afin d’espérer pouvoir générer des changements durables et surtout profitables. Ne faites pas que voir le présent, vivez-le.