Dr Kin
Un groupe faisant de l'exercice sur la plage.

Entraînement pour touristes

Touriste 2C’est avec une certaine déception que je réalise qu’il existe encore un profond écart entre l’entraînement et le conditionnement physique. Je suis désolé, mais je suis incapable de me résoudre à croire que nous devions absolument faire une distinction entre les deux. Pourtant, force est d’admettre qu’il persiste un clivage entre la réalité de l’entraînement et celle du conditionnement physique.

Cette différence est mue par une divergence marquée dans la finalité des objectifs. En entraînement, les résultats se traduisent par l’atteinte d’objectifs associés à une performance déterminée. Toutefois, cela n’implique pas forcément que ces objectifs soient réservés uniquement aux athlètes de pointe. Je considère que chacun de nous est toujours un athlète en devenir et que nous cherchons tous à améliorer nos performances, peu importe la gloire qui pourrait y être associée. Une performance pour un athlète de haut niveau peut se concrétiser aux Olympiques, alors qu’elle peut prendre la forme de l’ascension d’une section d’escaliers menant au premier étage pour une personne âgée. Pour moi, c’est du pareil au même. Donc, l’entraînement se glorifie de l’atteinte de résultats et il incombe à l’entraîneur de bien tracer le chemin à parcourir afin que l’athlète puisse dignement progresser. L’entraîneur porte une partie de la pression de la réussite.

En conditionnement physique, quoique les publicités puissent affirmer, les objectifs sont bien différents. On ne vise pas l’atteinte de performances telles que définies précédemment, on cherche à faire des sous. En réalité, la réussite ou l’atteinte des objectifs visés par le client (déjà, l’individu porte un autre chapeau qui n’est plus celui d’athlète) est tout simplement un outil marketing afin de générer plus de ventes. L’objectif du conditionnement physique, c’est de faire de l’argent. Dans les faits, il n’y a absolument rien de mal à vouloir faire de l’argent, sauf que cette mentalité risque de mener cette industrie à sa perte. Pourquoi? Parce que le conditionnement physique ne peut pas respecter un modèle d’affaires identique à une compagnie de téléphonie cellulaire (et les similitudes sont alarmantes…).

Lorsque les seuls critères de réussite sont mesurés par les ventes d’un entraîneur, ce dernier, pas plus fou qu’un autre, va chercher par tous les moyens à sa disposition à générer des revenus. L’entreprise aime ça. L’entraîneur aime ça. Tout le monde il est content. Presque…

Un des problèmes est que le désir de plaire au client va inévitablement prendre le dessus sur ce qu’il faut faire. En cherchant à générer toujours plus de revenus, tant l’entreprise que l’entraîneur doivent chercher à favoriser la satisfaction à court terme du client. Certains me diront que l’atteinte des objectifs procurera assurément satisfaction au client et j’abonderai dans le même sens. Sauf que ça peut prendre du temps et que le client a le temps d’être mécontent d’ici à ce que les résultats pleuvent. Il faut donc plaire au client d’ici là.

Cette réalité pousse beaucoup trop d’entraîneurs à élaborer leurs entraînements en fonction de ce que le client aime et pas forcément de ce dont le client a réellement besoin. Sans vouloir dévier du sujet, je mettrai dans le même bateau le travail de certaines nutritionnistes qui cherchent également à plaire à tout prix à leurs clients et qui modifieront leur approche et leur intervention en fonction des goûts de leurs clients et non de leurs intérêts réels. La cliente n’aime pas travailler avec des charges trop lourdes, on ira prendre les petits poids roses même si elle a un criant besoin de gagner de la force musculaire. Au fil des séances, on finira bien par la convaincre éventuellement de prendre plus lourd. Toutefois, d’ici là elle perdra son temps en se réconfortant dans sa zone douillette qui la sied si bien. Le client n’aime pas cuisiner? On va s’arranger avec ça et on va élaborer une intervention nutritionnelle qui ne nécessite pas ses talents culinaires. Pourtant, si monsieur apprenait à cuisiner, une grande quantité de ses problèmes seraient réglés (dont possiblement son célibat et statut de vieux garçon grincheux).

En fait, je compare malheureusement l’industrie du conditionnement physique à celle du tourisme. On veut que le touriste visite les belles maisons, les belles routes, les beaux musées, les succulents restaurants, mais surtout pas les clochards, les nids de poules, les politiciens crapuleux, etc. Le touriste doit sortir de son expérience ravi d’avoir visité ce beau coin de pays.

En conditionnement physique, on veut que l’expérience client soit réussie avant tout. Si le client est content et satisfait, l’entreprise fait de l’argent et tout le monde est content. Pourtant, le mandat dont se targue bien souvent les centres de conditionnement physique de précisément améliorer la condition physique et la santé de ses membres (discours toujours très éloquent aux tables de vente) ne se transpose pas dans le quotidien ou du moins dans la réalité de l’entraînement. Un entraîneur ne doit pas plaire à son client ou son athlète, il doit être en mesure d’accepter d’être déplaisant si cela favorise la réussite de son protégé. Cette relation est extrêmement similaire à une relation parent enfant. Le parent doit avoir le courage et la détermination d’offrir ce qu’il y a de mieux à son enfant et non pas uniquement ce que ce dernier pense être le mieux pour lui.

Beaucoup d’entraîneurs n’ont même pas l’option d’avoir du courage afin d’imposer ce qui doit être imposé à leurs clients, car leurs efforts sont sapés par une structure commerciale qui sanctifie la vente au détriment de l’entraînement. Ne vous méprenez pas, je ne considère pas que le conditionnement physique est une méchante industrie voulant dépouiller leurs clients de leurs derniers sous, je pense plutôt qu’il s’agit d’une industrie qui devrait revoir son modèle d’affaires afin de mieux répondre aux besoins de leurs clients et non de ce que leurs clients souhaitent avoir. Le conditionnement physique, ça ne se résume pas en forfaits ou en cadeau, ça se résume à la condition physique et la santé.