Dr Kin
Entraînez-vous selon votre type de fibres musculaires avec un gros plan d'un fragment de tissu.

Entraînez-vous selon votre type de fibres musculaires

Est-ce que vous êtes de ceux qui moulent leur entraînement selon leur dominance en un certain type de fibres musculaires? Êtes-vous plus de type I ou de Type II? Bien sûr que vous savez! Êtes-vous du genre mince et avez-vous de la difficulté à gagner de la masse musculaire ou bien êtes-vous plus du genre trapu et costaud avec peu de souffle pour les longues distances? On décrit les fibres de type I comme étant faibles, de petit diamètre et très endurantes alors que les fibres de type II sont fortes et plus volumineuses, mais tendent à se fatiguer plus vite. La première description vous classe alors dans une dominance de type I et la seconde dans la dominance de type II. Et vous auriez tort…

Il s’agit d’une croyance populaire qui dicte que nous sommes préprogrammés génétiquement pour contenir une répartition fixe de fibres musculaires. En fait, si nous avons un bagage composé d’une répartition de fibres de certains types au début de notre vie, ce bagage évolue au fil des stimulations qu’il rencontre pour s’adapter le mieux possible à la demande. Bref, la répartition de vos fibres musculaires change en fonction de ce que vous faites. En réalité, il existe une très grande variabilité dans la présence de différents types de fibres musculaires d’une personne à l’autre et même d’un muscle à l’autre chez un même individu. Si vous ne gagnez pas de masse musculaire ou si votre capacité aérobie est digne d’une marmotte, ne blâmez pas vos fibres, mais bien ce que vous leur demandez (ou ce que vous ne leur demandez pas).

Avant de poursuivre avec la relation entre les types de fibres musculaires et l’entraînement, je vous propose d’explorer un peu plus les caractéristiques de ces fameuses fibres. Il est important de savoir que nous sommes en présence d’un continuum de fibres, c’est-à-dire que tout n’est pas tout noir ou tout blanc (ou tout blanc ou tout rouge pour faire référence à une appellation également courante de fibres musculaires). Les fibres musculaires se ressemblent énormément et seulement quelques petites caractéristiques diffèrent et leur donnent une « personnalité » propre. Parmi ces différences, le nerf qui innerve la fibre lui confère des habiletés singulières. Par exemple, si une fibre est innervée par un nerf permettant un déclenchement puissant et de courte durée, cette dernière développera progressivement des structures lui permettant de répondre cette demande. Chez l’humain on retrouve des motoneurones (les nerfs que je viens tout juste de mentionner) de type I et de type II qui évoluent selon un continuum (Type I, Type IC, Type IIC, Type IIA, Type IIAX, Type IIXA, Type IIX) allant du motoneurone le moins rapide et le plus endurant au motoneurone le plus puissant et le moins endurant. Compliqué? Attendez de voir la suite…

Le type de fibres est donc en grande partie déterminé par le nerf qui la commande. Cependant, il peut exister des différences au niveau de la fibre elle-même, principalement au niveau de microstructures (ça, c’est vraiment petit). Il existe une différence au niveau des enzymes qui permettent l’expression la plus minimaliste de la contraction musculaire au niveau de la tête de myosine. La vitesse à laquelle ces têtes de myosine peuvent exécuter leur action détermine en grande partie la puissance pouvant être fournie par une fibre. Il existe différents types de tête (Type IB, IIA, IIX) qui peuvent se retrouver en versions hybrides (Type IB-IIA, Type IIA-IB, Type IIA-IIX, Type IIX-IIA). Bien sûr, la fibre est à l’image du nerf qui lui est reliée. Une fibre innervée par un motoneurone de Type I exprimera une tête de myosine de Type I également et ainsi de suite. Bref, si une fibre de type I pure et dure démontre des caractéristiques du genre faible et endurante et qu’une de type II puissante et fatigable, il faut savoir qu’il y a beaucoup de métissage dans les fibres et que nous sommes en présence de continuum de capacités et non d’une ségrégation type I et type II. Nous sommes un genre de pot-pourri de fibres musculaires. Je vous disais que c’était compliqué!

Quand on parle de fibres lentes (type I) et de fibres rapides (type II), on fait référence à la capacité contractile et à la vitesse de l’influx nerveux donc, à la capacité des petits bâtons (voir plus haut) de faire leur travail rapidement. Si d’un point de vue neurophysiologique les différences sont importantes, d’un point vue pratique elles sont infimes. Par exemple, la vitesse de conduction d’une fibre de type I (dite lente) peut être de 89 mètres par seconde alors que pour une fibre de type II (dite rapide) on parle de près de 103 mètres par seconde. Dans les deux cas, ça vous déculotte n’importe quel sprinteur de niveau mondial… Bref, ce n’est pas parce que quelqu’un marche lentement qu’il est composé majoritairement de type I (c’est parce qu’il est lent, c’est tout).

En fait, les fibres de type I sont très abondantes. Pourquoi? Parce qu’elles ont un seuil d’activation habituellement très bas, ce qui fait en sorte qu’elles sont sollicitées dans pratiquement toutes les actions musculaires et qu’en prime, elles sont endurantes. Les fibres de type II demandent une stimulation plus importante pour être impliquées dans les actions musculaires, elles travailleront si le travail en vaut la peine. Bien sûr, comme nous sommes en présence d’un continuum de fibres, certaines fibres de type I auront un seuil d’activation plus élevé que certaines fibres de type II. Mais, règle générale, en présence d’une stimulation les fibres de type I seront activées plus souvent que les fibres de type II.

Mais, à quoi ça nous sert tout ça? Comment faire le lien avec l’entraînement en musculation par exemple? Presque simplement…

L’entraînement est une stimulation qui permet aux fibres d’adopter des profils progressivement différents. L’entraînement en musculation permet aux fibres de type IIC de migrer vers un type IIA assez rapidement (dans certains cas, on parle de jours). Cette migration se veut une adaptation permettant un recrutement plus important des fibres de ce type (le seuil d’activation des fibres IIA est plus bas que les IIC ce qui leur permet d’être plus facilement impliquée dans les contractions musculaires). L’entraînement aérobie quant à lui permet une migration progressive des fibres IIA vers une nature ressemblant davantage à des fibres de type I ce qui favorise un meilleur travail aérobie (les fibres de type I sont plus endurantes et utilisent très bien l’oxygène). C’est ce qu’on appelle la plasticité musculaire, c’est-à-dire, la capacité du muscle à s’adapter à ce qu’on lui demande. Il ne s’agit pas de l’inverse; que le muscle est composé d’une certaine répartition de fibres et que cela dicte ce que vous êtes en mesure d’accomplir (comme trop souvent véhiculé). Ce que vous faites vous façonne.

Certaines méthodes d’entraînement revendiquent la capacité à cibler les fibres musculaires afin de stimuler un processus d’hypertrophie spécifique. Le programme d’entraînement XYZ à très hautes répétitions avec une charge maximale (plus léger) permet d’hypertrophier les fibres de type I alors que le programme ABC à basses répétitions avec une charge maximale (plus lourd) cible les fibres de type II. Moi qui pensais que c’était compliqué! On a déjà résolu la question!

Pas tout à fait. En réalité, plus la charge est importante, plus le recrutement de l’ensemble des fibres est élevée. Augmenter le nombre de répétitions (et forcément, diminuer la charge) ne fait que diminuer l’hypertrophie de l’ensemble des fibres. Fry et coll1. ont rapporté qu’une intensité seuil correspondant à 85 % du 1RM combinée à des repos incomplets (~60 s) permettrait une optimisation de l’hypertrophie sur l’ensemble des fibres musculaires. Bien sûr, de nombreux facteurs peuvent également influencer l’ensemble du processus hypertrophique, cependant, la diminution des charges au profit d’un nombre plus grand de répétitions n’en est pas un.

La vitesse de contraction par contre pourrait jouer un rôle important. La figure 1 illustre le ratio de surfaces des fibres de type II vs type I pour trois archétypes de l’entraînement. Ce ratio nous permet de déterminer la répartition de l’hypertrophie entre les différentes fibres musculaires. Je dois vous avertir que j’ai dû combiner deux études et qu’il faut être prudent avec la comparaison avec les athlètes d’endurance (j’ai dû estimer leur valeur). Cependant, nous sommes à même de constater que les athlètes de puissance avec une dominance en force (haltérophilie) présentent une hypertrophie plus importante des fibres de type II que les athlètes de culturisme qui eux, présente une hypertrophie plus répartie entre les type II et les type I.

FIGURE 1 à venir… (Désolé, bug avec l’hébergeur de réseau)

Pourquoi? Fort probablement à cause de la différence de vélocité lors des entraînements. Les entraînements en haltérophilie exigent beaucoup plus de puissance (force x vitesse) qu’un entraînement de culturisme, ce qui permet un recrutement plus important de fibres musculaires de type II et qui occasionne un « décrochage » de certaines fibres de type I qui se retirent de l’aventure lors de ce type de contraction.

En résumé de cet article (très chargé, je vous l’accorde), vous devez retenir que :

  1. Vous n’êtes pas condamnés par votre génome, car l’expression de ce dernier se veut une des plus belles capacités d’adaptation de l’ensemble du règne animal.
  2. L’hypertrophie de l’ensemble des fibres musculaires se produit à des charges supérieures à 85 % du 1RM et avec des repos incomplets
  3. Oui, c’est compliqué un muscle

Si je vous ai laissé sur votre faim, voici quelques lectures intéressantes…

Références

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2.            Iazvikov VV, Morozov SA, Nekrasov AN. [fusion_builder_container hundred_percent=”yes” overflow=”visible”][fusion_builder_row][fusion_builder_column type=”1_1″ background_position=”left top” background_color=”” border_size=”” border_color=”” border_style=”solid” spacing=”yes” background_image=”” background_repeat=”no-repeat” padding=”” margin_top=”0px” margin_bottom=”0px” class=”” id=”” animation_type=”” animation_speed=”0.3″ animation_direction=”left” hide_on_mobile=”no” center_content=”no” min_height=”none”][Analysis of the composition of skeletal muscle fibers in skaters’ muscles]. Biulleten’ eksperimental’noi biologii i meditsiny. Jun 1988;105(6):764-766.

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