Dr Kin
Une affiche colorée mettant en valeur un assortiment de produits frais.

J’ai découvert un produit vraiment intéressant!

C’est le genre de billet qui risque de choquer certaines personnes. Il ne se passe pas une saison sans que je ne me fasse approcher par une compagnie de produits nutritionnels basée sur un mode de fonctionnement de vente directe (vous savez, trouve x personnes à qui tu vends et ensuite ils vendront pour toi et à leur tour ils trouveront x personnes pour vendre pour eux et tu feras encore plus d’argent). Je n’ai rien contre la libre entreprise et encore moins contre les produits de nutrition qu’on tente de me vendre et surtout de me faire vendre.

Non, sincèrement, rien contre eux. Pourquoi? Parce que les gens que je connais qui se sont lancés dans ce type d’aventure sont des passionnés (pour la plupart). Des gens dévoués qui croient fortement dans le ou les produits qu’ils vendent. Absolument rien contre eux et j’espère qu’ils ne seront pas choqués par mon billet, car ce n’est pas mon intention.

À chaque fois que je suis approché par ce type de compagnie, généralement par courriel ou par téléphone, j’exécute la même démarche. Je prends note du nom de la compagnie, de leur site web et je demande que l’on m’envoie par courriel les informations scientifiques qui supportent les revendications associées à leurs produits. Ensuite, je m’informe. Je m’informe sur la compagnie, sur ses dirigeants, sur les produits et je commence la lecture de la littérature scientifique qui est associée à leur produit. C’est long, mais ô combien instructif!

Après quelques années, je commence à voir des tendances émerger et surtout à être en mesure de distinguer le marketing de la recherche (les deux ne sont pas indissociables, seulement rarement associés de la bonne façon). Habituellement, ces compagnies cherchent à faire du profit (et c’est la caractéristique primordiale pour une compagnie) donc, leurs produits doivent séduire un large éventail de consommateurs. Il est donc normal de retrouver des produits pour la perte de poids (mon intuition me dit que ça doit être de gros vendeurs), pour la performance sportive (un peu moins vendeur) et pour le bien-être (le plus petit vendeur, mais qui rejoint une certaine clientèle). Ce large spectre de produits permet de toucher pratiquement toute la population de n’importe quel continent. Qui ne veut pas perdre du poids? Qui ne veut pas être en meilleure forme? Et finalement, qui ne veut pas être en santé?

Jusqu’ici, tout va bien, nous parlons de libre entreprise, de produits destinés à un marché cible aussi large soit-il, bref, rien qui cloche ou qui pourrait justifier mon refus de participer. Alors, pourquoi refuser de répandre la bonne nouvelle? Bonne question.

Possiblement parce que je suis vraiment mal à l’aise avec la façon dont ces compagnies utilisent la recherche. La science devient entre leurs mains un outil de marketing excessivement puissant qui peut facilement être perverti. Je me permets d’emprunter une définition :

La science (latin scientia, « connaissance ») est, d’après le dictionnaire Le Robert, « Ce que l’on sait pour l’avoir appris, ce que l’on tient pour vrai au sens large. L’ensemble de connaissances, d’études d’une valeur universelle, caractérisée par un objet (domaine) et une méthode déterminés, et fondées sur des relations objectives vérifiables »

Je vais vous présenter les résultats de mon investigation d’une compagnie qui m’a approché afin que je distribue leurs produits. C’est ici que la technologie, plus précisément Google, devient un outil merveilleux. Rapidement, il est possible de trouver le site de la compagnie ainsi que nombreuses informations en regardant la première page de recherche fournie par Google. Par exemple, lors de ma dernière recherche, 2 types de sites internet apparaissaient systématiquement. Le premier type, des sites officiels, affichant ouvertement la vente de produits (rien de plus normal) et le second type, des sites de critiques (du moins en apparence) où l’on retrouve une critique de la compagnie et de son système (rien de plus sain). Cependant, l’ensemble des sites de critiques est animé par des gens travaillant pour la compagnie et vendant eux-mêmes des produits (des anciens sceptiques désormais convertis). On retrouve d’étranges similitudes entre eux : les couleurs sont similaires, la mise en page est identique et après 4 s une fenêtre apparait pour vous demander votre courriel.

Leur critique n’en est pas une, ils font simplement affirmer que la compagnie est tout à fait réglementaire et qu’il ne s’agit pas de vente pyramidale (la preuve, ils en vendent). Sans être une vente pyramidale, jouer le faux critique n’est pas une stratégie marketing des plus nobles.

Ensuite, je me suis attardé à tout le support scientifique entourant la compagnie. Est-ce que la compagnie a des publications scientifiques pour supporter ces produits et les distinguer de la concurrence? Oui, quelques-uns que je me suis empressé de lire. Malheureusement, aucun des articles ne validait l’efficacité de leur produit. Certains traitaient des bienfaits de la supplémentation en protéines sur la santé (pas de leurs produits, mais bien des suppléments en général) alors que d’autres touchaient des domaines non reliés aux revendications associées à leurs produits (je vous le rappelle : perte de poids, performance sportive, santé et bien-être).

Maintenant, qui sont les grosses têtes en sarrau derrière les produits? J’ai fait une recherche par auteur dans des moteurs de recherche scientifique (Google Scholar, Pubmed, Biomedexperts) afin de trouver si ces chercheurs avaient publié (comme on me l’avait dit au téléphone). Eh bien, ces chercheurs avaient des publications scientifiques crédibles (j’ai même téléchargé leur CV!). M’être contenté de ces preuves, je n’aurais jamais écrit ce billet et je vous aurai servi une pub pour vendre ces produits. Mais, lorsque j’ai regardé plus en détail chacune des publications, j’ai rapidement réalisé qu’encore une fois aucun de ces articles ne traitait des produits vendus et encore moins de perte de poids ou de performance sportive. Je cherchais une publication (une seule m’aurait suffi!) qui aurait permis de conclure que : notre produit, lorsque comparé à x et y produits concurrents a été associé à une perte de poids 22 % plus importante et/ou à un gain de masse musculaire 18.7 % plus important, etc. Non, rien du genre.

Encore plus dommage, certaines de ces compagnies commencent à pousser encore plus loin l’exploitation de la science et de la recherche en mandatant des laboratoires indépendants afin de « valider » l’efficacité de leur produit. Cependant, la méthodologie est, intentionnellement ou non, biaisée à un point tel que les résultats perdent totalement leur sens. Par exemple, une de ces études vise à démontrer l’efficacité d’un produit afin de favoriser la récupération après un entraînement. Normalement, 3 groupes devraient être utilisés afin de vérifier l’hypothèse : 1 groupe consommant le produit après l’entraînement (dans le cas présent un supplément de protéines), 1 groupe consommant une protéine de référence après l’entraînement (une boisson de référence comme le lait au chocolat par exemple ou mieux encore, le produits équivalent d’un compétiteur) et 1 groupe ne consommant rien du tout. Ensuite, on compare les résultats pour les variables sélectionnées (par exemple les changements de masse musculaire ou les gains en force) entre les 3 groupes. Mais non, à la place, on utilise 2 groupes, 1 consommant le produit post entraînement et l’autre ne consommant rien (c’est déjà bien que ce soit sur des humains et non des rats, mais c’est bien loin d’être satisfaisant). Ensuite, on dira que le produit est plus efficace pour la récupération (sans mentionner que c’est lorsqu’on le compare à rien du tout). Ce n’est pas illégal, c’est simplement de la mauvaise recherche qui est pervertie à des fins mercantiles.

Finalement, je me suis intéressé aux produits. Quels sont-ils? On y retrouve la traditionnelle panacée de produits : des stimulants et des suppresseurs d’appétit jumelé à des produits hypocaloriques pour la perte de poids, des stimulants, divers vitamines et minéraux, des extraits de plantes et des protéines pour les performances sportives et une combinaison des deux pour le dernier volet « santé ». Rien de nouveau, rien de différent sauf l’emballage.

Toute l’approche marketing est basée sur la science qui supporte les produits et sur les revenus faramineux qui peuvent être tirés facilement de leur vente. Cependant, rien dans toute leur littérature scientifique ne mesure l’impact spécifique de leurs produits. On clame haut et fort que leurs produits sont meilleurs et qu’ils ont été largement étudiés à telles ou telles universités par tel ou tel chercheur. Mais quand on fouille, on trouve des études quelque peu différentes qui n’ont pas véritablement étudié le produit en question, mais qui ont plutôt mesuré l’impact d’une substance que l’on retrouve dans le produit. C’est pareil vous me direz? Non, c’est bien différent. Si c’était pareil, on aurait utilisé le produit et toutes ses composantes dans les doses exactes pour mener à terme l’étude. Bien souvent, il existe une énorme différence entre les doses retrouvées dans les produits en vente libre et ce qui est utilisé chez les animaux de laboratoire. Trop souvent, on insère des quantités insuffisantes d’une substance simplement pour affirmer que le produit en contient et qu’il sera de facto bon pour vous.

Encore une fois, je n’ai rien contre ces entreprises et les gens passionnés qui les animent. J’accroche simplement sur les stratégies marketing qui exploitent la science afin d’affirmer de façon immaculée que leur produit est meilleur et qu’il est bon pour vous. Si c’est le cas, ces compagnies ne devraient pas hésiter à exploiter le meilleur de la science afin de démontrer hors de tout doute que leur produit est vraiment efficace à l’aide d’une méthodologie irréprochable.