Dr Kin
Une remise en forme avec beaucoup de poids et d'équipements.

Les erreurs en conditionnement physique… qui m’énervent

Plusieurs s’attendront à ce que je parle de mauvaise technique, de mouvements contre-indiqués ou bien d’attitude problématique, mais non. Je vais essayer d’aller plus loin que de simples reproches technicopratiques et aborder la problématique différemment. Voici 5 erreurs qui m’agacent et qui sont propres au milieu du conditionnement physique actuel, plus particulièrement dans le secteur de la remise en forme.

Évaluations à répétition

On observe une augmentation de la fréquence des évaluations dans les centres de conditionnement physique, plus particulièrement au niveau de l’analyse de la composition corporelle. On veut mesurer le changement (ce qui est une bonne chose), cependant l’utilisation d’évaluations à répétition sans pleinement connaître les limites des outils de mesure peut s’avérer une erreur coûteuse pour un client. Sans parler des coûts reliés à cette démarche, la répétition fréquente d’évaluations de la composition corporelle peut rapidement désorienter une intervention. La variation de mesure est souvent plus grande que l’écart qui est mesuré, ce qui empêche de conclure à tout changement. Par exemple, l’analyse de la composition corporelle par bioimpédance comporte une variation moyenne de 3 à 6 % ce qui ne permet pas de détecter avec certitude des changements inférieurs à 36 % sur les compartiments de la masse grasse et de la masse maigre. Pour vous donner une idée, il sera difficilement possible de détecter un changement de 0.6 à 1.2 kg de la masse grasse chez une personne de 80 kg ayant 20 kg de masse grasse. Tout changement inférieur à cette valeur peut être causé par une variation biologique et/ou une variation technique de la mesure. Si nous effectuons une mesure chaque semaine de la composition corporelle, il est facile de conclure qu’une personne a pris 0.5 kg (1 livre) alors qu’en réalité elle a perdu 0.8 kg (1.8 livre). Imaginez un instant l’impact sur la personne qui croit avoir suivi les recommandations à la lettre, fait les efforts requis pour se retrouver face à la (fausse) réalité qu’elle a pris du poids. Ou l’inverse…

Il est essentiel de déterminer l’ampleur du changement mesurable afin d’être en mesure de détecter le changement réel de composition corporelle. Cette procédure permettra d’établir un échéancier d’évaluation efficace et pertinent qui permettra d’obtenir l’heure juste. Vous devez donc vous informer de la variation de mesure de l’appareil ou de la méthode utilisée. L’intervenant devrait être en mesure de vous indiquer clairement la variabilité de la mesure utilisée, sans quoi il manque un élément essentiel à votre évaluation (et l’analyse de vos résultats sera plus hasardeuse).

Ça veut dire quoi?

Il faut absolument connaître la précision et la variation des appareils et méthodes utilisées pour déterminer la fréquence des évaluations. Par exemple, si le niveau de précision est de 1kg, il est peu recommandable de se faire évaluer avant que le poids total ait changé d’au moins 2 kg (et encore…)

Prescription sans information pertinente

Bien sûr, on vous fait remplir un questionnaire d’aptitude à l’activité physique, on vous pose des questions concernant vos habitudes de vie et on s’informe de votre horaire d’entraînement et de vos objectifs. Ensuite, on vous fait un programme d’entraînement personnalisé, sur mesure, conçu pour vous, etc.

La réalité est que la majorité de la population présente des caractéristiques très similaires pour l’ensemble des paramètres importants en entraînement. L’individualisation des programmes de conditionnement physique tient souvent beaucoup plus du domaine du marketing que de la science de l’entraînement à moins ques mesures pertinentes ne soient utilisées. Mis à part les problématiques associées à la santé, les capacités physiques sont l’élément clé du développement d’un programme d’entraînement adapté. On peut isoler trois volets importants : la capacité aérobie, la force musculaire et la flexibilité. C’est à partir de ces trois piliers qu’il est possible de prescrire un programme personnalisé et ENSUITE de l’orienter vers les objectifs (toujours dans un contexte de conditionnement physique). Par exemple, prenons au hasard un objectif peu commun en entraînement, la perte de poids. La tendance actuelle pousse à développer un entraînement concomitant composé d’une partie aérobie (cardio) et d’une partie anaérobie (musculation). On utilise le cardio pour augmenter la dépense énergétique durant la séance (chose que je questionne, mais c’est une autre histoire) et on utilise la musculation pour améliorer la masse musculaire.

Afin d’augmenter la dépense énergétique durant la séance, il importe de connaître la capacité aérobie du participant ce qui nous donnera une idée du plafond métabolique atteignable qui à son tour nous permettra de connaître le nombre maximal de calories pouvant être dépensées. Sans capacité aérobie, on avance à tâtons en se basant sur la perception d’effort ou bien sur les fréquences cardiaques. Pourtant, en utilisant une valeur de capacité aérobie (disons 45 mL/(kg*min) pour un individu de 80kg) nous pouvons déterminer qu’à 100 % de la capacité aérobie, un maximum de 18 kcal par min peut être dépensé. Comme il est impossible de maintenir une telle intensité longtemps, la dépense énergétique pour l’ensemble de l’entraînement aérobie sera forcément inférieure à 18 kcal/min. Il est ensuite possible de déterminer s’il est plus judicieux d’augmenter la capacité aérobie afin de repousser le plafond métabolique ou bien de développer l’endurance aérobie afin de dépense un maximum de calories pendant la séance. Par exemple, si notre participant de 80 kg présente une faible capacité aérobie (20 mL/(kg*min)), la dépense énergétique pour une session de 20 min ne pourra jamais dépasser 160 kcal (quoiqu’en dise le cardiofréquencemètre). Il faut donc augmenter la capacité aérobie avant d’envisager de rentabiliser énergétiquement la séance d’entraînement cardio.

Le même raisonnement s’applique pour la force musculaire et à la flexibilité. Si notre participant ne démontre par une force importante, il sera difficile d’augmenter la masse musculaire. Il faut donc commencer par augmenter la capacité de recrutement neuromusculaire avant de songer à une hypertrophie importante. Inversement, il sera difficile de continuer à augmenter la force de façon importante chez un individu démontrant une force importante. Une augmentation de la masse musculaire pourrait être requise afin de poursuivre la progression en force. Également, un manque d’élasticité des composantes musculaires peut s’avérer un élément problématique à la progression en force et même en hypertrophie, alors un entraînement en flexibilité serait de mise.

Mais, tout ça est impossible sans une évaluation appropriée basée sur des tests pertinents des qualités physiologiques.

Ça veut dire quoi?

Pour obtenir une prescription d’entraînement personnalisée, il faut que votre entraîneur connaisse plus que votre nom et votre date de naissance. Il faut compléter des tests valides permettant de déterminer les valeurs des qualités physiologiques que vous souhaitez entrainer. Sinon, ce n’est pas « personnalisé ».

Ne pas connaître les limites de son intervention

En suivant le programme prescrit, quels sont les gains possibles? Il est important, avant de s’aventurer sur le chemin parfois sinueux d’un programme d’entraînement, d’avoir une idée des changements attendus. Combien de masse musculaire devrais-je gagner en suivant ce programme? De combien ma capacité aérobie devrait-elle augmenter? De combien de cm mon amplitude devrait-elle augmenter? Ces questions doivent trouver réponses AVANT d’entamer le programme et il est essentiel de se rappeler des prédictions initiales à la fin du programme. Se sont-elles avérées justes? Si oui, merveilleux. Sinon, pourquoi? Est-ce que l’entraînement a été respecté? Est-ce que les prédictions étaient basées sur des données crédibles ou tiraient plus de la fabulation? Chaque programme d’entraînement doit reposer sur des données quantitatives qui permettent justement de déterminer quels sont les changements plausibles. Grâce à ces prédictions, il est possible de déterminer le succès ou l’échec d’un plan d’entraînement. Il faut donc prévoir du temps avec son entraîneur afin de bien établir les résultats possibles.

Ça veut dire quoi?

Il faut effectuer une quantification prévisionnelle des changements attendus. L’entraîneur doit baser sa prédiction sur des données vérifiées et vérifiables (par vous également). Sinon, il faut être averti qu’il s’agit d’un entraînement « exploratoire » dont les résultats sont loin d’être certains (l’incertitude n’est pas forcément mauvaise…).

Citer des sources sans les comprendre réellement

Cette erreur est souvent associée à la précédente. L’incertitude est monnaie courante dans le domaine de l’entraînement. Oui, il est difficile de trouver des vérités simplement parce qu’il s’agit d’une science complexe et d’un art difficile à maîtriser. Cependant, ce n’est pas une excuse pour naviguer dans l’inconnu ou pour se réfugier derrière un mur de pseudo science pour tenter de faire fuir les questions difficiles. Un entraîneur a le droit et le privilège de ne pas savoir et même de se tromper (c’est rassurant lorsque l’on ne sait pas tout), mais il commet un crime grave lorsqu’il transmet des informations qu’ils ne maîtrisent pas. Malheureusement, on aime citer des sources pour se réconforter et présenter un aplomb muré de crédibilité en se rangeant derrière « les études disent » ou bien les « on rapporte que ». Ce ne sont pas les études qui importent, mais bien les connaissances qui en découlent. Sans la compréhension de ces dernières, citer des études tient davantage de la fraude intellectuelle que de l’information. Il faut donc vérifier les études ou les sources d’information et s’assurer de bien comprendre le tout. Si votre entraîneur vous transmet des informations que vous ne comprenez pas, demandez des explications supplémentaires jusqu’à ce que vous compreniez.

Ça veut dire quoi?

Si un entraîneur cite régulièrement des études, des auteurs ou autres, il serait pertinent qu’il vous en donne l’accès afin que vous puissiez prendre connaissance d’informations qui vous concernent (vous et votre santé…). Si l’entraîneur n’a mystérieusement pas accès aux études, comment est-ce possible de les citer en toute connaissance de cause?

Croire plutôt que comprendre

Poursuivons et terminons dans la même lignée. L’entraînement ne repose pas sur des croyances, mais plutôt sur des données. Malheureusement, il est plus facile de croire que de comprendre et il s’agit probablement de la pire erreur que l’on puisse retrouver dans un centre de conditionnement physique. Quand un entraîneur commence à croire plus qu’à comprendre, c’est le début d’un déclin qui pousse vers l’automatisation de la prescription d’entraînement et le report du blâme sur le client plutôt que sur la prescription quand les choses ne vont pas dans le sens attendu. Il est certes plus difficile de comprendre la physiologie de l’exercice et la biomécanique que de seulement croire en la bonne nouvelle prodiguée par le gourou de la semaine. Pour comprendre, vous devez être exposé à de l’information pertinente ce qui implique que vous devez faire preuve d’une démarche proactive. Pourquoi un client ne se procurerait pas un livre traitant de la physiologie de l’exercice ou bien de l’entraînement (il existe des livres numériques sur le sujet qui sont abordables et hyper intéressants!)? Si cette idée vous parait farfelue, sachez qu’il s’agit probablement de la plus belle police d’assurance/entraînement que vous pourrez vous procurer.

Ça veut dire quoi?

Désormais, la religion de l’entraînement doit faire place à la science de l’entraînement. Ceci n’implique pas qu’il n’y ait plus de place pour l’innovation, bien au contraire. Cependant, il existe beaucoup plus d’informations (et de sources d’information) qu’auparavant. Croire c’est bien pour le moral, comprendre c’est mieux pour les résultats.