Dr Kin
Un homme agenouillé devant un orage, projetant une forte silhouette.

Obèse et prisonnier

Il y a de ces gens qui savent vous faire réagir par leurs actes, leur mode de vie ou encore leur simple existence. C’est le cas de Mike.

Mike réside dans un petit appartement situé au rez-de-chaussée d’un vieux triplex. Il y a emménagé il y a de cela bientôt 2 ans. C’est là qu’il a débuté sa nouvelle vie. Mike vit seul et travaille de chez lui. Il s’est trouvé un emploi comme opérateur de soutien informatique pour une grosse compagnie. Ce qu’il apprécie le plus de son emploi, c’est qu’il peut travailler de chez lui et qu’il n’a pas à rencontrer les clients en personne. Mike n’est pas du genre sorteux.

En fait, depuis qu’il a emménagé et commencé son emploi, Mike passe ses journées chez lui. Il cuisine peu, fait rarement le ménage et se commande régulièrement des repas par Internet. Il tient ses déplacements au minimum et évite de se fatiguer. C’est la paille à la bouche qu’il navigue entre la salle à manger, son poste d’ordinateur ou encore devant son immense téléviseur accroché au mur du salon. L’écran ultramoderne de plus de 60 pouces détonne avec le reste de l’appartement plutôt sobre. Tout ça, c’est son quotidien. Comme je disais, Mike n’est pas du genre sorteux.

Ce mode de vie assez sédentaire a tranquillement changé la physionomie de Mike. Avant d’emménager, Mike avait un physique respectable, presque athlétique. Mais, son nouveau mode de vie lui a progressivement insufflé des kilos, kilos qui se sont accumulés pour faire de lui une personne souffrant d’embonpoint, puis une personne obèse. Mike est conscient que son corps n’est plus ce qu’il était. Lorsqu’il se regarde, il n’aime pas ce qu’il voit. C’est probablement en partie pour cela que Mike n’est pas sorteux.

Ses amis pourraient venir le visiter à l’occasion, mais rapidement Mike s’est lassé de la visite. Toujours la même routine, les mêmes discussions qui l’ennuyaient et qui finissaient toujours par écorcher son corps. Progressivement, il a coupé les ponts avec presque tout le monde. Il reste Lucette qui vient lui rendre visite 2 fois semaine toujours à la même heure, toujours de bonne humeur. Mike est toujours là, car Mike n’est pas sorteux.

À force de prendre du poids, de voir son corps se métamorphoser, Mike s’est de plus en plus laissé aller. L’hygiène corporelle est rapidement descendue dans la liste des priorités. À force d’être si sédentaire et d’être moins propre, Mike a même dû être brièvement hospitalisé pour des plaies de lit. À 33 ans, obèse et pas très propre, Mike n’apprécie pas vraiment de sortir de son appartement.

Mike n’a pas toujours été comme ça. Mike n’a pas toujours bavé sur sa camisole en mangeant. Mike n’est pas toujours demeuré les fesses rivées à son fauteuil.

Il n’y a pas si longtemps, il ne manquait pas une occasion de pratiquer une grande variété d’activités physiques, de la course à pied à la planche à voile en passant par le patin à roues alignées. Il se rendait régulièrement au travail en patin sur la piste cyclable. Il dirigeait une petite entreprise d’informatique et y avait instauré une politique d’activité physique auprès de ses employés. Il offrait 3 heures payées par semaines à ses employés soit pour se rendre au travail en transport actif, soit pour pratiquer une activité physique au choix.

En se rendant au travail en patin un mercredi matin, Mike a donné un coup de patin de trop. Son patin a touché la pédale d’un vélo intransigeant qui le dépassait. Il s’en est suivi une légère perte d’équilibre vers l’arrière, accompagnée de quelques insultes concernant le partage chaotique de la voie cyclable.   C’était le matin, il était tôt et probablement que les réflexes de Mike étaient encore engourdit de sommeil. La base de la tête de Mike a percuté le trottoir. Rien de très violent, seulement un impact de trop au mauvais endroit et sans casque. Les commentaires du cycliste concernant l’exclusivité cyclable de la piste ne firent rien pour amortir l’impact.

Le traumatisme crânien et la quadriplégie qui ont suivi ont changé Mike. Qui aurait pu croire qu’une si petite chute pouvait changer les centimètres en kilomètres d’effort?

Autrefois un outil d’activité physique merveilleux, le corps de Mike est devenu subitement pour lui une prison. Il a bien essayé de se battre, de faire du mieux qu’il pouvait avec ses nouvelles ressources, mais l’écart entre sa vie d’antan et son quotidien était trop important pour lui. Son infirmière lui apporte un support deux fois semaine, mais toute la gentillesse et les soins de Lucette ne pourront effacer les séquelles de la chute. Mike attend la fin de sa vie, une paille à la bouche pour déplacer son fauteuil roulant de la salle à manger à son ordinateur ou encore à son immense téléviseur que ses amis lui avaient acheté en pensant lui faire plaisir. Ses amis pour qui il était devenu une pauvre victime d’un bête accident et non pas un fier sportif et entrepreneur connaissant le succès. Même s’il n’est pas sorteux, Mike voulait partir.

Être actif, c’est un privilège qui peut être retiré à tout instant et que l’on tend trop souvent à prendre pour acquis. Il importe d’en profiter, d’exploiter pleinement ses ressources et ses capacités, le tout avec un souci de sécurité. Être actif, ça veut aussi dire être en mesure de partager l’environnement pour la pratique d’activités physiques diverses.