Dr Kin
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Ouvrir les gyms en période de COVID-19 ?

La pandémie qui a débuté en décembre 2019 perdure en 2020 a de nombreuses conséquences à de multiples niveaux. Santé physique, évidemment, santé mentale, également, santé sociale, malheureusement et santé économique, finalement.

Nombreuses sont les petites, moyennes et grandes entreprises qui se retrouvent en sérieuses difficultés, ce qui se répercute sur leurs employés ainsi que dans bien des cas, l’ensemble de la population.

Les milieux de l’entraînement et du conditionnement physique n’y échappent pas.

Les centres sportifs de bien des régions se voient forcés de fermer temporairement leurs portes et dans certains cas ces mesures préventives se traduisent par une fermeture définitive. Il y a eu des mouvements de protestation soulignant l’importance du rôle des gyms dans la santé de la population, mais les arguments mis de l’avant pour justifier une ouverture étaient trop souvent peu convaincants ou mal véhiculés.

Pourquoi a-t-on décidé de fermer les gyms ?

Je n’ai absolument aucune idée des motivations du gouvernement pour prendre cette décision, toutefois je peux jouer à l’avocat du Diable et présenter quelques éléments de réponse.

Au Canada, on dénombrait en 2010 près de 5 370 000 membres de centres de conditionnement physique. Ça ne représente que 15,7 % de la population et c’est sans compter la fraction de ces membres qui n’est pas active. L’argument misant sur le bien-être de la population n’affecte malheureusement qu’une minorité d’individus. Économiquement parlant, ouvrir les studios de santé (appellation de l’Office de la protection du consommateur) affecterait environ 500 établissements ce qui représente peu d’entreprises si on considère les 236 705 petites et moyennes entreprises et les 603 grandes entreprises répertoriées au Québec.

Bref, on n’aiderait pas tant de monde que ça côté santé et côté finance.

Ensuite, il faut s’attarder aux risques de propagation du virus de la COVID-19 à travers les centres de conditionnement physique. De ce que je constate, les données sont rares, mais il en existe néanmoins. On retrouve des données en provenance de la Corée du Sud qui sont difficilement en faveur d’une ouverture des centres de conditionnement physique. On observe un taux d’attaque (indice épidémiologique qui indique la vitesse d’accumulation de nouveaux cas pour une période donnée) assez élevé (entre 10 % et 70 %) 1 où près de 50 % de la contamination provenait des intervenants. Pour vous donner une idée, selon une étude rétrospective chinoise2, le taux d’attaque de la COVID-19 se chiffre à ~7 % pour les contacts étroits.

À première vue, nous sommes en présence d’un risque élevé de propagation pour un bénéfice marginal sur l’état de santé de la population. La décision du gouvernement serait d’une évidence certaine.

Pourtant…

Si on se penche un peu plus sur les données, il est important de distinguer certains éléments importants.

Dans un premier temps, les cas de contamination provenant de centres de conditionnement physique étaient isolés à des cours de groupe (Zumba plus particulièrement) alors qu’aucune mesure de distanciation physique ou de contrainte sanitaire n’était appliquée. En temps normal, les risques de propagation d’un virus sont élevés dans un cours de groupe, mais rien ne nous informe à savoir quels sont les risques encourus lorsque des mesures préventives sont en place. Certes, le port du masque durant l’entraînement ne semble pas d’une efficacité notable3, mais d’autres mesures pourraient s’avérer efficaces (présentation d’un résultat de test négatif pour les participants et intervenants, prise de température, barrières physiques, mesures d’hygiène spécifiques, etc.). Dans des régions où le nombre de cas de COVID-19 est faible, les risques de contamination pourraient également relativement faible4. Le risque pourrait alors être aussi grand (ou petit selon votre niveau d’optimiste) qu’à l’épicerie, au parc, sur la rue, etc.

Un autre élément peut jouer en faveur des centres de conditionnement physique : la traçabilité. Les membres sont facilement retraçables avec un minimum d’effort, ce qui favorise une réponse rapide d’isolement (encore faut-il que l’isolement soit respecté) et d’identification de la distribution de la contamination auprès des individus potentiellement exposés. Une application de traçage pourrait également être exigée afin de pouvoir participer aux activités du centre.

Oui, mais même si c’était sécuritaire, pourquoi ouvrir les centres et courir le risque de propager le virus ?

Oui, même avec toutes les précautions et la bonne foi (qui vient à manquer assez rapidement chez certains pour se transformer en négligence bête et méchante), il est possible que les choses dérapent. Comme à l’épicerie, à la station-service, dans le transport en commun, etc.

Ces autres endroits demeurent ouverts parce qu’ils ont une utilité auprès de la société. Les gyms pourraient aussi…

Entrons dans la partie plus complexe de l’article. Je ne prétends pas être un spécialiste en immunité (loin de là), mais voici ma compréhension de certains effets potentiels de l’exercice sur le système immunitaire.

L’activité physique (toute contraction musculaire élevant la dépense énergétique au-dessus du métabolisme de repos) exerce de nombreux effets bénéfiques sur la santé physique et mentale. L’exercice (activité physique planifiée et organisée afin d’améliorer la santé et/ou la condition physique) fait partie de l’activité physique tout comme prendre une marche, faire du ménage, etc. Jusqu’à présent, les arguments utilisés pour justifier une ouverture des centres de conditionnement physique pouvaient autant s’appliquer à l’exercice (principale activité physique pratiquée dans un gym) qu’à une multitude d’activités physiques pouvant se pratiquer chez soi ou à l’extérieur.

Pourtant, l’exercice pratiqué selon des paramètres de surcharge bien définis (volume et intensité plus particulièrement) pourrait avoir des effets bénéfiques pouvant contribuer à la lutte contre la COVID-195.

Jusqu’à présent, il existe peu de stratégies de traitement qui s’avèrent efficaces pour contrer la COVID-19. Bien que la majorité des personnes atteintes ne présente que des symptômes similaires à une grippe et récupère à la maison, une fraction de personnes atteintes développera des complications. Environ ~20 % développeront une pneumonie, 5 % nécessiteront un séjour aux soins intensifs et présenteront des complications diverses : détresse respiratoire, syndrome respiratoire sévère, insuffisance rénale, choc septique, dysfonctionnement sévère de plusieurs organes, etc. Encore à ce jour, l’efficacité des différents traitements médico-pharmacologiques demeure limitée.

L’exercice complété selon certains paramètres permet d’influencer de nombreuses composantes du système immunitaire. La réponse immunitaire modulée par l’exercice (cardio et/ou musculation) est caractérisée par une influence des systèmes immunitaires inné et adaptatif. La pratique régulière d’exercices pourrait procurer un effet protecteur contre la COVID-19 en améliorant le fonctionnement de certains systèmes associés à l’immunité et l’inflammation.

Dans un premier temps, on remarque que l’exercice stimule la production par le muscle de certaines molécules (MAPK) qui agissent sur la réponse initiale du système immunitaire face à une infection virale en limitant la capacité d’un virus à se répliquer (pour plus d’information, voir Interféron — IFN —, STAT1). La pratique régulière d’exercices d’intensité et de volume suffisants pourrait moduler la réponse immédiate du système immunitaire en favorisant une réponse initiale plus adéquate face au virus.

L’exercice stimule et diversifie également la production et l’activité de certaines cellules du système immunitaire (neutrophiles, lymphocytes NKT, etc.) qui ont une action offensive importante contre une infection virale. On remarque également que l’exercice favorise l’apoptose (mort cellulaire) sélective de certaines cellules qui composent le système immunitaire (lymphocytes T) lorsque ces dernières entament un processus de sénescence (ralentissement de leur activité). Cette action favorise un renouvellement plus important des lymphocytes T et une action immunitaire plus efficace. On remarque d’ailleurs qu’une sénescence plus importante au niveau des lymphocytes T est associée à une augmentation de la susceptibilité aux infections à de nouveaux pathogènes. En quelque sorte, l’exercice élimine le bois mort pour faire place à de jeunes pousss plus vigoureux. L’exercice de nature aérobie semble favoriser davantage cette réponse immunitaire et la capacité aérobie pourrait également y être associée, les personnes démontrant une capacité aérobie plus élevée ayant un niveau de sénescence des lymphocytes T moins important.

En résumé, l’exercice pourrait favoriser une meilleure réponse initiale face à une attaque virale comme la COVID-19.

L’exercice agit également sur des cellules présentent dans les principaux organes affectés par la COVID-19 (poumons, cœur, système digestif) en améliorant leur capacité de réponse immunitaire et en favorisant une réduction des séquelles post infection (principalement au niveau des poumons). L’exercice influence également la réponse inflammatoire de l’organisme en stimulant la production de molécules permettant un meilleur contrôle du processus inflammatoire. Également, on observe que l’exercice agit sur d’autres voies métaboliques permettant une forme d’action offensive contre les virus. La production d’oxyde nitrique (NO) est stimulée par l’exercice ce qui est bénéfique pour certains mécanismes de contrôles limitant la propagation potentielle d’un virus dans l’organisme. Finalement, l’exercice permet une meilleure régulation du stress oxydatif, plus particulièrement au niveau des poumons et du cœur, en augmentant la production et le déploiement d’antioxydants.

Bref, l’exercice à bonne dose stimule plusieurs éléments qui pourraient s’avérer importants dans la gestion de la COVID-19 par l’organisme. Un bémol à tout cela: il s’agit de spéculations théoriques qui reposent sur des relations qui n’ont pas été, à ma connaissance, démontrées avec la COVID-19. Chaque virus ayant des caractéristiques différentes, il est possible que celui-ci contourne certains effets mis de l’avant par l’exercice.

Chose certaine, la question se pose :

Est-il plus bénéfique d’ouvrir les centres de conditionnement physique que de les laisser fermés ?

Est-ce que le fait qu’une fraction de la population s’entraîne et possiblement augmente ses capacités à résister au virus peut surpasser les risques de voir quelques foyers d’éclosions supplémentaires apparaître? Va-t-on prévenir davantage ou augmenter davantage la propagation du virus ?

Il n’est définitivement pas facile de répondre clairement à ce dilemme, mais le débat mérite d’être lancé, surtout si on utilise des arguments robustes et que l’on considère avec équité et respect les arguments adverses.

Chose certaine, le système immunitaire est associé à l’exercice et l’activité physique et leur influence sur ce dernier semble plutôt favorable à une meilleure réponse face à la COVID-19.

P.S. Il est difficile de déterminer avec précision les paramètres de surcharges de l’exercice pour maximiser une réponse favorable face à la COVID-19. Généralement, il est question d’exercices de nature aérobie (cardio) complétés 2 à 4 fois par semaine à une intensité allant de 50 % de la capacité aérobie jusqu’à ~80 %. Côté musculation, les paramètres sont encore plus flous. Il est question de 2 à 3 séries par groupe musculaire pour un nombre de répétitions allant de 6 à ~18.

  

Références

  1. Jang S, Han SH, Rhee J-Y. Cluster of Coronavirus Disease Associated with Fitness Dance Classes, South Korea. Emerging Infectious Diseases. 2020;26(8):1917-1920.
  2. Bi Q, Wu Y, Mei S, et al. Epidemiology and transmission of COVID-19 in 391 cases and 1286 of their close contacts in Shenzhen, China: a retrospective cohort study. The Lancet Infectious Diseases. 2020;20(8):911-919.
  3. Silveira ALB, Carvalho LM, Seara FAC, et al. Wear a mask to reduce COVID-19 transmission while exercising at the gym: belief or evidence-based? Research, Society and Development. 2020;9(10):e8499109259.
  4. Helsingen LM, Løberg M, Refsum E, et al. A Randomised Trial of Covid-19 Transmission in Training Facilities. medRxiv. 2020:2020.2006.2024.20138768.
  5. Fernández-Lázaro D, González-Bernal JJ, Sánchez-Serrano N, et al. Physical Exercise as a Multimodal Tool for COVID-19: Could It Be Used as a Preventive Strategy? International journal of environmental research and public health. 2020;17(22):8496.