Dr Kin

Réponse à l’entraîneur X…

Trhfpre, alias l’entraîneur X m’a demandé de retirer son nom de mon article. Ce n’est pas dans mes habitudes d’accepter ce genre de requête, mais comme le principal concerné me semble repentant et que le fond est plus important que la forme, j’ai acquiescé à sa demande.

Lors de la Classique IDFA de Montréal 2013, j’ai lancé une nouvelle cuvée d’athlète (en fait le j’ai représente plus un nous, car il s’agit d’un travail d’équipe). Comme je l’ai mentionné à de nombreuses reprises, je considère qu’une athlète, ça se construit. Et, qui dit construction, dit plan et dit étapes (et non enveloppe brune). Mais, je suis conscient que ce n’est pas l’approche de tout le monde. Il y a des entraîneurs qui veulent avoir des gagnants tout de suite et l’idée de développer une athlète signifie uniquement de gagner de compétition en compétition. Des trophées et des médailles, on aime ça et on en veut toujours plus.

Je crois que c’est le cas de Trhfpre, alias entraîneur X.

Je suis tombé par un hasard heureux (ou non) sur un message texte que Trhfpre a envoyé à une de mes athlètes immédiatement après sa sortie de scène. En résumé, il la félicitait et le message mentionnait également qu’elle n’était pas prête et qu’elle n’aurait pas dû se présenter à la compétition (je résume l’idée). Alors que certains entraîneurs que je connais auraient allègrement bastonné Trhfpre  jusqu’à ce qu’il régurgite ses rotules, j’ai plutôt cherché à comprendre son message. Comprendre, parce que si à un premier niveau il s’adressait à mon athlète, au second niveau il s’adressait directement à moi. Si mon athlète était mal préparée, c’est en réalité parce que j’ai failli à ma tâche d’entraîneur. J’aurais donc livré en pâture certaines de mes athlètes, soit par insouciance, soit par incompétence. Il n’en fallait pas plus pour que je te réponde l’entraîneur X afin de tenter de t’expliquer mon insouciance et mon incompétence. Ne vous méprenez pas, il ne s’agit pas d’un article contre ceux et celles qui aiment obtenir des trophées, mais plutôt d’une brève explication d’une autre approche. Assurément, il ne faudrait surtout pas que d’autres entraîneurs fassent les mêmes erreurs que moi.

Dans le domaine du Fitness, il ne faut pas se le cacher, beaucoup d’entraîneurs souhaitent voir leurs athlètes remporter des trophées, beaucoup de trophées. C’est normal, c’est valorisant, agréable et c’est un des buts de ces compétitions (il ne faut pas oublier qu’il s’agit aussi d’un revenu essentiel pour plusieurs entraîneurs). Plus les athlètes remportent de nombreux prix, meilleur est l’entraîneur n’est-ce pas? Un entraîneur n’est aussi compétent que le meilleur résultat de ses athlètes, non? Ce genre de raisonnement fait en sorte que de nombreux entraîneurs sélectionnent leurs athlètes en fonction de leur condition initiale. En somme, on prend les athlètes qui sont déjà le plus près du but afin d’espérer gagner le plus rapidement possible. Et c’est tout à fait correct comme ça. Des trophées et des médailles, on aime ça parce que cela signifie que l’on est bon. C’est rassurant et réconfortant comme un biscuit Oréo et un grand verre de lait (désolé pour les produits laitiers et le gluten).

Sauf que moi Trhfpre, je n’ai aucune ambition à entraîner Wayne Gretzky ou Mario Lemieux au hockey, ça serait trop facile. Je souhaite développer des athlètes peu importe de leur niveau initial. Je suis intéressé par le potentiel de développement athlétique et personnel de chacune de mes athlètes. Je ne suis pas intéressé par où elles vont aujourd’hui, mais bien par jusqu’où elles pourront aller demain. Mes critères de sélection sont plus axés sur le désir de changement que sur le potentiel athlétique. Probablement qu’on m’a trop souvent raconté l’histoire de cendrillon quand j’étais jeune…

Tu vois Trhfpre, les athlètes avec lesquelles j’ai l’honneur et le privilège de travailler acceptent de mettre leur développement entre mes mains, pas pour des trophées ni des médailles, mais bien pour devenir ce qu’il y a de mieux. Elles acceptent de s’engager dans un long processus de développement multidimensionnel nécessitant apprentissage, croissance, changement de mode de vie et bien sûr amélioration de leur condition physique et composition corporelle. Pour les trophées et les médailles, on en retrouve au Dollorama ou chez Castel trophée si le budget y est…

Je peux concevoir que cette idéologie de développement ne rejoigne pas tout le monde. Il y en a qui veulent gagner des trophées, ne l’oublions pas. Pourquoi j’accorde une aussi grande importance au développement? Parce lors des compétitions de Fitness, il est possible de terminer première avec un physique moins bon que lors de sa compétition précédente, simplement parce que les autres compétitrices étaient moins fortes cette fois ou bien que les juges nous étaient plus sympathiques. J’ai déjà vu des athlètes gagner leur carte PRO avec possiblement leur moins bon physique de compétition de l’année. J’ai déjà vu des athlètes se désister d’une compétition parce qu’une athlète plus forte qu’elle s’y présentait et choisir une compétition moins forte pour remporter leur titre. C’est pourquoi à chaque compétition, mes athlètes ont des objectifs autres que le simple classement. C’est difficile à accepter, ça prend de l’humilité et une bonne tête sur les épaules. Mes athlètes en sont pleinement conscientes et acceptent de vivre avec ce fardeau additionnel: il ne suffit pas de gagner, il faut performer à la hauteur de son talent.

Je veux que mes athlètes s’améliorent constamment, qu’elles repoussent continuellement leurs limites. Ça, c’est une pression énorme. J’insiste pour qu’elles présentent des meilleures valeurs de masse grasse et de masse maigre à chaque compétition, peu importe contre qui elles se présenteront, peu importe la compétition. Je souhaite qu’elles améliorent leur prestance sur scène en améliorant chaque détail. J’insiste également pour que chacune de ces améliorations repose sur des changements de mode de vie sains. Je ne veux pas de physique éphémère, je veux des athlètes 365 jours par année. Des athlètes inspirées et intègres tant dans l’adversité que dans le succès. Ça, ça ne se grave pas sur un trophée, ça s’imprègne dans l’âme et dans le coeur à travers les joies et les déceptions.

Pour revenir à ton message Trhfpre, je me demande comment tu pouvais connaître les objectifs de mes athlètes ? Simplement en regardant leur physique (un peu trop de gras par-ci, pas assez de muscle par-là)? En suivant ce raisonnement Trhfpre, on doit comprendre qu’il n’y a qu’une seule athlète qui était prête lors de la compétition et c’est celle qui a fini première? Pourtant, j’ai vu beaucoup trop d’athlètes de fitness gagner une fois pour ne plus jamais compétitionner par la suite. Pourquoi? Parce que trop souvent, si leur physique était impeccable, elles n’étaient pas réellement prêtes. Mais, des trophées et des médailles, on aime ça, peu importe le prix ou les conséquences…

Alors, cher Trhfpre, il me fait plaisir d’être incompétent ou insouciant et de sortir des filles dont le physique initial ne leur permet pas de gagner un trophée à leur première compétition. Tu vois, je préfère de loin que mes athlètes et moi empruntions le chemin le plus difficile, celui qui implique de nombreuses adaptations qui dépassent largement les tonnes de fonte soulevées ou encore une diète restrictive. Ce parcours permet à mes athlètes d’apprécier chaque compétition à sa juste valeur, de leur première compétition de calibre régional jusqu’aux événements d’envergure mondiale auxquels elles participent et se classent avantageusement (si tu veux des beaux trophées, je peux t’en envoyer, ils commencent à encombrer mon sous-sol). Un chemin lucide, mais sans pitié. Mais ça, je ne pense pas que tu puisses le comprendre.  Astique bien les trophées de tes athlètes, car ils brillent sans aucun doute grâce au reflet de ton égo.