Dr Kin

Réduire les recommandations en activité physique : et puis après?

Moi qui pensais entamer sagement l’année 2011 en mettant de côté la critique et en me tournant vers une avenue plus positive de promotion de la santé pour éviter les conflits et les mises en demeure. Mais, suite à la polémique entourant la parution des nouvelles recommandations en matière d’activité physique pour la population canadienne, je me sens directement interpellé et même forcé de me prononcer sur la chose (tant pis pour mes résolutions de paix dans le monde et surtout pour mon invitation au congrès de la SCPE…). Dans un premier temps, je dois avouer que je suis quelque peu déçu de la forme que prend cette polémique. Je ne sais pas si nous devons blâmer les médias ou la Société Canadienne de Physiologie de l’Exercice (SCPE) ou tout autre organisme responsable, mais je sens qu’il y a une certaine confusion tant dans les médias qu’au niveau de la population. On semble confondre condition physique et gestion du poids. On fait état que les canadiens ne font pas assez d’activité physique et qu’il y a une augmentation de la prévalence du surpoids et de l’obésité, or, la SCPE recommande de participer à des activités physiques qui auront un effet prédominant sur la condition physique et probablement pas d’effet si important que ça sur la dépense énergétique totale (oui, ça sent le calcul!). Bon, vous me direz que je commence 2011 avec un peu trop de complexité, mais, je me dois d’insister (ce n’est pas moi qui fais les recommandations alors ne me blâmez pas s.v.p.!). Et pour ajouter amplement d’huile sur le feu de la confusion, on réduit les exigences afin d’encourager les gens.  Démêlons les cartes…

Je vous l’ai déjà dit et je me permets de le redire en 2011, ce qui compte pour la gestion du poids, c’est la balance énergétique. Si on parle de problème de surpoids et d’obésité, il faut donc absolument impliquer cette balance énergétique dans la discussion. Si on parle de problème de condition physique, il faut spécifier quel(s) aspect(s) de la condition physique sont à améliorer (force musculaire, capacité aérobie, endurance musculaire, endurance aérobie, flexibilité, etc.). Dans tous les cas, dernièrement on navigue dans un pudding flou digne de la bagatelle du temps des fêtes (et croyez-moi, celle de ma mère est redoutable!) en mélangeant vigoureusement toutes les cartes.

On critique la population canadienne de ne pas être assez active et de prendre du poids tout en faisant des recommandations visant davantage l’amélioration de leur condition physique. Il s’agit de 2 choses auxquelles on ne peut pas s’adresser de la même façon et qui sont surtout définies de manière différente. Le manque d’activité physique en terme quantitatif influence l’équilibre énergétique (sans oublier les apports énergétiques dans l’équation, ce qui n’est pas fait de façon claire et limpide, du moins dans les médias) sans forcément améliorer la condition physique. Par exemple, aller prendre des marches tous les jours ne vous permettra pas d’atteindre des niveaux de forme physique extraordinaires, mais contribuera à la balance énergétique en vous faisant brûler des calories. Aller courir 10-15 min trois fois par semaine risque d’augmenter de façon plus importante votre capacité aérobie (composante de votre condition physique), mais contribuera moins à votre équilibre énergétique. Non? Voici quelques calculs…

Marche modérée (3-6 km/h ou environ 6 kcal/min pour une personne de 70 kg)
7 fois par semaine à raison de 20 min à chaque fois (140 min/semaine)

7 x 20 min x 6 kcal = 840 kcal par semaine

Course, jogging intensité élevée (~10 km/h ou environ 12 kcal/min pour une personne de 70 kg)
3 fois par semaine à raison de 15 min à chaque fois (45 min/semaine)

3 x 15 min x 12 kcal = 540 kcal par semaine

On parle d’activité physique dans les deux cas, mais l’impact ne sera pas le même sur la condition physique et sur la composition corporelle (l’un joue davantage sur la dépense énergétique et l’autre sur la condition physique). Donc, il faudrait définitivement mieux définir l’activité physique et surtout mieux cibler les objectifs des recommandations. Premier reproche de 2011 complété.

Beaucoup de professionnels de mon entourage se sont indignés d’apprendre que les recommandations en matière d’activité physique étaient revues à la baisse. Et puis après? Premièrement, depuis quand l’ensemble de la population se base sur ces recommandations pour gérer son mode de vie ? La majorité de mes clients n’étaient même pas au courant de ce type de recommandations avant que je leur en parle. Allons-y avec quelques chiffres pour comparer les recommandations et des valeurs mesurées d’activité physique. Laissez-moi vous offrir un petit tableau qui présente des valeurs quantitatives d’activité physique mesurées chez des gens sédentaires et actifs issus de la population québécoise comparées aux recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et de la SCPE.

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Comparaison entre les recommandations en activité physique et des valeurs mesurées

Si je me fie à mes observations recueillies entre 2006 et 2010, mon échantillon de près d’une centaine d’individus (hommes et femmes, données non publiées) sédentaires et actifs semble atteindre les recommandations des deux organisations. En prenant les valeurs les plus faibles observées (6 + 2 +0 = 8, non ce n’est pas la question d’habileté mathématique), nous arrivons à la moitié ou au tiers des recommandations (SCPE ou OMS, respectivement). Les mesures que je vous présente sont issues d’une mesure de l’activité physique par accélérométrie et non pas suite à un recueil d’information par questionnaires ou sondage.

Je crois que c’est ici qu’il existe une différence fondamentale entre mes valeurs observées et les recommandations émises. L’OMS et la SCPE se fient habituellement sur des rappels d’activité physique sous forme de questionnaires ou sondages qui demandent aux répondants d’énumérer les activités physiques volontaires pratiquées quotidiennement. Cette méthode souffre de nombreux biais dont le plus préoccupant, celui de ne cibler que principalement les activités physiques volontaires dont les participants se souviennent.

Qu’est-ce que ça change me direz-vous tout en décongelant un morceau dinde? Ça change beaucoup! En émettant des recommandations basées sur l’activité physique volontaire, on néglige la contribution des activités physiques obligatoires et spontanées (qui sont souvent oubliées ou dans certains cas, exclues de la caétgorie activité physique alors qu’elles représentent parfois une fraction très importante de la dépense énergétique quotidienne). C’est un peu comme de dire à un ouvrier de manutention qui pousse des palettes de 50kg pendant toute la journée à la sueur de son front qu’il ne fait pas vraiment d’activité physique parce qu’il ne prend pas de marche après son travail pour promener son chien. Pire que tout, on exprime alors l’activité physique sous une forme extrêmement réductrice en la limitant à quelques activités ludiques ou sportives. Je trouve inconcevable qu’encore aujourd’hui, les plus hautes instances en matière de santé et d’activité physique limitent leur intervention à une fraction unique du large spectre de l’activité physique. Pourquoi ne pas émettre des recommandations sur le niveau minimum d’activité physique requis au travail (activité physique obligatoire)? La Commission de la Santé et de la Sécurité au Travail (CSST) détermine des normes supérieures à ne pas dépasser lors d’efforts physiques au travail, pourquoi ne pas y ajouter un minimum? À toutes les heures, vous devez marcher 5 minutes sinon vous vous faites coller un grief. Il y a des normes concernant le nombre de places de stationnement disponibles selon la taille d’un édifice, pourquoi ne pas établir des normes pour les espaces réservés aux vélos? Nous ne pouvons/devons pas nous limiter à simplement émettre des recommandations floues en ce qui touche à l’activité physique. Il est impératif qu’un mouvement global responsabilisant tant l’individu que la société se mette en branle. Ce mouvement, il commence par la connaissance et l’éducation et se poursuit par une action concrète sur le terrain. Avant de demander aux gens de bougez plus, faudrait peut-être leur dire qu’est-ce que bouger plus et surtout comment s’y prendre dans la réalité actuelle afin de gérer son poids ou améliorer sa condition physique. Deuxième reproche de 2011 complété.

Le pire dans tout ça, c’est que certaines personnes vont rire en lisant ces lignes…

P.-S. Même si je suis parfois un peu sévère envers les différents organismes, je me dois de reconnaître que leurs efforts sont nécessaires (beaucoup de gens que j’estime énormément y travaillent…).

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