Dr Kin
Table en bois, pilules

Requiem pour tricheurs

Toujours donner le meilleur de soi-même, toujours chercher à se dépasser, à offrir sa meilleure performance. Certainement pas chercher l’approbation de son prochain, l’adulation des foules ou encore la fierté de noyer son égo dans la gloire futile.

De nos jours, on tend à mesurer la qualité d’un athlète au nombre de « likes » sur ses photos ou commentaires sur les réseaux sociaux. Comme si ce simple clic justifiait tout, glorifiait tout.

L’éloge de la finalité et la gloire aux photos nous fait perdre de vu l’essentiel qu’est le parcours, le chemin emprunté, les décisions déchirantes et la discipline de fer qui ont menés à l’aboutissement du périple.

C’est l’hypocrisie du tricheur.

Ils sont de plus en plus nombreux à tricher, chacun et chacune assoiffés de gloire comme si cette gloire allait abreuver leur soif de reconnaissance et leur faible estime. Cette intarissable soif, à ne pas confondre avec le désir de performance et d’excellence des vrais athlètes, les pousse à prendre les moyens qu’ils jugent nécessaires pour « gagner » et battre les vrais athlètes.

C’est la victoire du tricheur.

Vous seriez surpris (peut-être pas) de découvrir l’ampleur de la problématique du dopage dans le sport. Personne n’est coupable de dopage sauf l’autre gars ou l’autre fille au gym…

Pourtant, au Canada entre le 1er janvier 2005 et le 12 juillet 2011, près de 12 104 saisies d’anabolisants ont été effectuées comptabilisant une somme estimée de 9 850 529 $. Près du tiers de ces saisies ont été effectuées au Québec. Chez nous, chez vous.

Dans bien des sports, l’utilisation de produits dopants est coutume. Il s’agit d’un passage obligé afin de réussir à percer chez les pros et de gagner sa vie. Dans d’autres sports où l’on ne peut pas gagner sa vie, on se nourrit l’égo. Quand on ne fait pas de sport et qu’on s’entraine, on nourrit également son égo.

Détrompez-vous, le dopage ne se limite pas qu’aux « athlètes », c’est aussi le pain et le beurre de bien des entraîneurs de gym qui n’entraînent que des Monsieur-madame-tout-le-monde. Il n’y a pas assez d’athlètes au Québec pour justifier près de 4000 saisies d’anabolisant. Pour vous situer, c’est plus du double des principaux concurrents (Khat et Marijuana).

C’est le royaume du tricheur.

La décision de faire usage d’anabolisants ou de tous autres produits dopants n’est pas qu’un choix personnel. L’usage d’anabolisants a des répercussions beaucoup plus vastes que le nombril de l’utilisateur. Les athlètes propres en subissent les conséquences. Le sport en subit les conséquences. Le monde de l’entraînement en subit les conséquences.

La grande majorité des utilisateurs de produits dopants que je connais banalise l’utilisation de ce type de substances. Tout le monde le fait, ça prend ça pour réussir, ce n’est pas des produits dangereux, c’est juste pour une fois, ce sont mes choix de supplémentation qui sont différents, etc.

Eh bien non.

Ce ne sont pas tous les athlètes qui se dopent. Il y en a qui travaillent intelligemment et d’arrache-pied pour y arriver. Il y en a qui abandonnent leur rêve tellement c’est difficile. Mais certains y arrivent. Ce sont de vrais athlètes, pas les tricheurs comme toi qui se dopent.

Il y a des athlètes propres qui réussissent à accomplir la même chose que toi, l’athlète dopé, mais en 3 ou 4 ans de plus. C’est pour ça qu’ils sont meilleurs que toi, parce qu’en plus de performer, ils sont résilients, intelligents et disciplinés.

Ce sont des produits dangereux, lorsqu’utilisés comme tu le fais, toi l’athlète de fin de semaine qui ne se dope qu’occasionnellement. Tumeurs de Wilm, carcinome hépatocellulaire avec métastases, adénocarcinome de la prostate, adénome hépatique, infarctus du myocarde, AVC hémorragique et j’en passe. En passant, la finalité de chacune de ces complications fut la mort des patients qui étaient des utilisateurs comme toi, le gars ou la fille dopée.

La totalité des utilisateurs d’anabolisant que je connais ou que j’ai connue n’a jamais été en mesure de n’en consommer qu’une seule fois. Juste une autre fois, cette fois-ci c’est la dernière c’est sûr, dit le gars ou la fille qui achète son « dernier cycle » en brisant sa tirelire…

Non, prendre des produits dopants n’est pas une forme de supplémentation. C’est du dopage. Assume et ne minimise pas TES choix, tricheur et tricheuse.

Oui, mais il faut quand même s’entraîner lorsque l’on prend des produits dopants. Les athlètes dopés travaillent fort. Très fort parfois.

Bien sûr, mais quand tu gagnes 4-5kg de masse musculaire de plus pour le même effort, ça facilite la progression, la motivation et la fausse réussite. Et lorsque tu arrives à peine à offrir des performances supérieures à l’athlète propre, ça veut dire que tu travailles moins bien et moins fort que lui ou elle. Bref, que tu es moins bon que le perdant que tu as « battu »! C’est le principe même de la tricherie : permettre aux moins vertueux de gagner.

Je sais que les dopés n’arrêteront pas de le faire. Ils vont continuer à tricher parce que ça leur fait du bien, parce que ça nourrit leur insécurité et leur besoin de reconnaissance sociale. Aussi parce qu’on les encourage, on les supporte et qu’on attache nos œillères bien serrées.

Ils vont continuer parce qu’il y aura toujours des entraîneurs qui vont combler leurs lacunes, leur incompétence en offrant des produits dopants. Parce que sans ça, leurs « athlètes » n’iraient nulle part. Bien sûr, ça leur fait des revenus supplémentaires…

Les tricheurs savent trop bien que sans produits dopants, ils seront moins, ils seront des perdants. Alors on continu à tricher et à « gagner ». C’est tout un lègue à la société : Égo, hypocrisie et faiblesse. Je « like » ça au plus vite…

 

Références

http://globalnews.ca/news/191655/steroids-big-in

http://globalnews.ca/news/191618/graphic-drug-seizures-across-canada/

https://books.google.ca/books/about/Anabolic_Steroids_in_Sport_and_Exercise.html?id=I7-D2jH-OJ4C&redir_esc=y