Dr Kin
test de force

Risque de combustion spontanée et test de force

Non, nous ne traiterons pas de phénomène paranormal, mais nous allons plutôt aborder un sujet plus terre-à-terre : la mesure de la force musculaire dans un contexte de conditionnement physique. Je vous avertis, il s’agit d’un billet plutôt technique qui fait suite à une de mes présentations de la fin de semaine passée. Il s’agit d’un sujet que j’affectionne tout particulièrement, au grand déplaisir de plusieurs entraîneurs qui trouvent cette mesure inutile et surtout extrêmement dangereuse. Dangereuse vous dites? Voyons voir…

Qu’est-ce qu’un test de force dans un contexte de conditionnement physique? Il s’agit de la mesure de la force maximale volontaire sur un mouvement donné. Dans le jargon, on parle de test de 1RM. Ce type de test vise à déterminer la charge la plus importante qui peut être déplacée sur une amplitude donnée à une vitesse donnée. On travaille donc avec des charges très lourdes et je vous entends d’ici me crier à la tête que les blessures vont accabler de désarroi et surtout de douleur les pauvres participants. Pas temps que ça si on se fie à la littérature [1-5]. En effet, il semblerait que l’administration de ce genre de tests n’est pas forcément synonyme de blessures (tant chez les enfants que chez les personnes âgées). En fait, je vais m’avancer en osant affirmer qu’il y a probablement plus de risque à compléter un entraînement en musculation sans supervision que de réaliser un test de force 1RM sous une supervision appropriée. Pourtant, lorsque j’aborde à peine le sujet, bon nombre d’entraîneurs vont affirmer qu’ils n’oseraient jamais effectuer des tests de 1RM avec leurs clients par crainte de leur infliger de sérieuses blessures. L’ont-ils essayé? Bien sûr que non. Alors, sur quoi se base-t-on pour affirmer que ces tests sont si dangereux? Honnêtement, aucune idée. Sans être sans risque, ces tests ne sont pas aussi dangereux que l’on peut prétendre, toujours lorsqu’administrés par une personne compétente (on repassera pour la combustion spontanée).

L’argument des blessures étant désormais fortement contesté, il y en aura d’autres pour faire état de l’inutilité de ce type de test. Cossé ça donne de lever pesant une fois?

Habituellement, on utilise ces tests pour évaluer la force de participants et effectuer des comparaisons avec différentes normes (test de développé couché très populaire au football). Jusque-là, pas très utile comme test sinon pour mousser un égo déjà trop jaillissant. Laissez-moi vous balancer une analogie qui, je l’espère, pourra vous guider vers une meilleure compréhension. Lorsque vous vous entraînez fièrement sur votre appareil cardio préféré, vous regarder vos fréquences cardiaques afin de vous guider dans vos efforts (et je me promets d’aborder ça dans un autre billet). Vous utilisez une référence pour l’intensité (vos fréquences cardiaques) pour une durée prédéterminée. En musculation, vous vous fiez à votre précieux feeling, c’est-à-dire, que quand vous sentez que vous n’êtes plus capable, vous arrêtez. C’est un peu comme courir au feeling sur le tapis roulant… Les tests de 1RM permettent d’établir les charges qui doivent être employées afin de compléter un certain nombre de répétitions. Donc, à l’aide de ces tests, il est possible de déterminer l’intensité de vos entraînements en musculation. Et ça, c’est extrêmement important afin d’obtenir les résultats escomptés. Pourquoi? Parce que notre perception est franchement mauvaise en matière de charge et d’entraînement.

Le tableau 1 présente des résultats qui démontrent l’écart entre la charge habituellement utilisée (charge usuelle) et la charge prédite (calculée comme une règle de 3 selon le tableau 2) que les participants devraient utiliser pour compléter le nombre prévu de répétitions.

Dans notre exemple, nous avons demandé aux participants quelle charge ils utilisaient pour compléter 12 répétitions maximales. Nous avons ensuite testé la force pour déterminer leur 1RM et à l’aide de cette valeur, prédire la charge qu’ils devraient utiliser pour compléter 12 répétitions maximales. Nous avons vérifié notre prédiction en demandant, quelques jours plus tard, aux participants de réaliser le plus grand nombre de répétitions possible avec la charge prédite. En moyenne, ils ont complété ~11 répétitions avec cette charge (on est proche du 12..). On parle ici d’un écart de 3.3kg et de 18.3kg pour un exercice de développé assis et de développé des membres inférieurs respectivement. C’est un écart tellement important que la charge usuelle déplacée par les participants sur ces exercices est à peine suffisante pour compléter un échauffement spécifique. Imaginez, ces pauvres participants s’entraînaient depuis des semaines avec des charges d’échauffement… Utiles les tests de 1RM? Je pense que oui même si la procédure n’est pas parfaite. En effet, ces tests sont spécifiques aux appareils sur lesquels ils sont effectués et on ne peut pas tester sur tous les exercices. Leur utilité réside plutôt dans leur capacité à rapprocher la perception de la réalité. Une fois qu’un participant a complété une vraie série 12 répétitions avec une charge lui permettant uniquement de faire 12 répétitions sur un appareil, il lui est possible de reproduire cette sensation d’effort sur d’autres exercices.

En terminant, voici un exemple de protocole de test de 1RM afin d’éviter toute combustion spontanée :

1)      S’assurer que la personne est asymptomatique et apte à s’entraîner en musculation (QAAP et autres questionnaires sont de mises)

2)      Informer le participant des procédures (après en avoir pris soi-même connaissance)

3)      Sélectionner les appareils. Il est plus sécuritaire et facile d’effectuer les tests de 1RM sur des appareils. Mes recommandations : développé des membres inférieurs, développé assis et traction verticale à la poulie.

4)      Échauffement général (~10 min d’activité aérobie à 65-70 % des fréquences cardiaques maximales théoriques)

5)      Échauffement spécifique (1 série d’approximativement 10 répétitions sur le premier appareil avec une charge sous-maximale). Lors de cette série, on détermine l’amplitude maximale pouvant être atteinte sur l’appareil. Il est excessivement important que l’amplitude la plus grande ne puisse pas causer de blessure au participant. L’utilisation de crans d’arrêt (safety pin) est fortement recommandée sur un développé des membres inférieurs. Si le participant cesse complètement de forcer, il faut éviter qu’il se voie réduit à l’état de crêpe bidimensionnelle. Il est préférable de réduire l’amplitude au profit d’une sécurité accrue.

6)      Prendre un léger repos (90-120s) puis entamer une première série-test avec une charge déterminée par l’évaluateur. N’hésitons pas à mettre une charge importante (sur les appareils mentionnés, si la charge est trop importante, rien ne bougera). Le participant doit compléter un maximum de répétitions avec cette charge (on l’arrête à 10 si jamais la charge est trop légère). Pause de 2 à 4 min. On répète ensuite pour une seconde série avec une charge plus importante si plus qu’une répétition a été complétée lors de la série précédente. On diminue la charge si le participant n’a pas pu compléter 1 répétition lors de la série précédente. Il est important de s’assurer que l’amplitude est maintenue tout au long des séries. Pause de 2 à 4 min. On répète la procédure jusqu’à ce que le participant ne puisse compléter plus qu’une répétition. Afin d’éviter l’impact de la fatigue sur les résultats, on se limite à 5 tentatives. On peut ensuite enchaîner avec l’exercice suivant en reprenant à l’étape 5.

Il est toujours préférable de savoir ce que l’on fait avant de penser administrer ce genre de test, mais, comme vous pouvez le constater, le principe est relativement simple. Une fois le 1RM trouvé, il suffit d’utiliser le tableau 2 pour calculer la charge selon le nombre de répétitions visé. Si jamais, vous ne trouvez pas le 1RM, vous pouvez également utiliser le tableau toujours selon un principe de règle de trois.

Voici quelques références pour vous amuser un peu…

1.            Cummings, B and KJ Finn. Estimation of a One Repetition Maximum Bench Press for Untrained Women. JSCR 1998; 12(4). 262-265.

2.            Miller, RG. Measurement of strength: summary. Amyotroph Lateral Scler Other Motor Neuron Disord 2002; 3 Suppl 1. S51-4.

3.            Phillips, WT, AM Batterham, JE Valenzuela, and LN Burkett. Reliability of maximal strength testing in older adults. Arch Phys Med Rehabil 2004; 85(2). 329-34.

4.            Ploutz-Snyder, LL and EL Giamis. Orientation and familiarization to 1RM strength testing in old and young women. J Strength Cond Res 2001; 15(4). 519-23.

5.            Rydwik, E, C Karlsson, K Frandin, and G Akner. Muscle strength testing with one repetition maximum in the arm/shoulder for people aged 75 + – test-retest reliability. Clin Rehabil 2007; 21(3). 258-65.

6.            Aasa, U, S Jaric, M Barnekow-Bergkvist, and H Johansson. Muscle strength assessment from functional performance tests: role of body size. J Strength Cond Res 2003; 17(4). 664-70.

7.            Faigenbaum, AD, LA Milliken, and WL Westcott. Maximal strength testing in healthy children. J Strength Cond Res 2003; 17(1). 162-6.

8.            Kravitz, L, C Akalan, K Nowicki, and SJ Kinzey. Prediction of 1 repetition maximum in high-school power lifters. J Strength Cond Res 2003; 17(1). 167-72.

9.            Sorenson, E. Measurement of strength: con. Amyotroph Lateral Scler Other Motor Neuron Disord 2002; 3 Suppl 1. S49-50.

10.          Whisenant, MJ, LB Panton, WB East, and CE Broeder. Validation of submaximal prediction equations for the 1 repetition maximum bench press test on a group of collegiate football players. J Strength Cond Res 2003; 17(2). 221-7.