Dr Kin
surentraînement

Trop, pire que pas assez ou une recette pour le surentrainement

Je ne saurais dire d’où provient cette tendance, mais il est indéniable qu’elle touche une grande quantité d’adeptes du conditionnement physique. Que ce soit dans un cours de spinning, en musculation ou lors d’une séance d’entraînement aérobie, il y en aura toujours qui vont en faire plus et ce malgré les risques de surentrainement.

En faire plus, c’est tout à fait correct lorsque l’on est capable de le faire CORRECTEMENT et que notre récupération nous permet de soutenir un tel volume d’entraînement. C’est malheureusement rarement le cas…

Récemment, je suis allé faire un cours de spinning pour me changer les idées. Durant le cours, nous avions à faire des sprints de 60 s avec une récupération variable. Le temps de repos était déterminé par les participants : lorsqu’un participant en donnait le signal, nous devions tous repartir. Super intéressant comme structure, pour autant que l’on respecte les principes de physiologie. La consigne était de tout donner sur 60 s. Difficile de comprendre autre chose qu’un effort à pleine puissance pour la durée de l’intervalle. Le problème s’est manifesté lorsque quelques participants (des surhumains, assurément) demandaient (exigeaient) que l’on reparte après seulement 10 ou 15 s de repos. Nous avions 10 paires d’intervalles à faire…

Avec un repos aussi bref, il est impossible de maintenir la puissance de travail initiale tout au long de la séquence d’intervalles. Ce n’est pas une question de condition physique ni de volonté, c’est une question de physiologie de l’exercice. Ça ne se fait tout simplement pas pour l’humain de faire ça, au même titre que si nous battons frénétiquement des bras, nous ne nous envolerons pas. Pourtant, ces surhumains réussissaient à faire tourner rapidement les pédales du début à la fin de la séquence. Wow…

J’ai donné des cours de spinning pendant près de 10 ans. Je connais très bien les vélos, les techniques et les principes qui sous-tendent les cours. Je sais très bien que le spinning c’est une question de PUISSANCE (force ou tension x vitesse). Ce n’est donc pas parce que les pédales tournent rapidement que l’on génère une puissance adéquate. On a l’air de forcer, mais on joue le ventilo plus que l’athlète. Lorsque ces surhumains moulinent à grande vitesse, mais à faible puissance (faible tension) et s’autoproclament les rois du Tour de France et que les autres font le cours correctement, ça cause un inconfort certain. En clair, ça scrap le cours de plusieurs qui travaillent de la bonne façon, aux bonnes puissances et qui devraient le plus bénéficier du cours. À la place, ces gens cassent littéralement et sont démotivés par les incroyables performances des surhumains. En final, on risque de retrouver peu d’amélioration de la condition physique chez l’ensemble des participants, principalement à cause de l’Égo ou de l’incompréhension de certains participants. Avec l’apparition de nouveaux modèles de vélo, il est possible de voir la puissance (en Watt). Cette information permet de déterminer de toute évidence à quelle puissance on travaille et aussi de bien observer si la puissance de nos sprints diminue d’un intervalle à l’autre. Il s’agit d’un outil extrêmement utile et pertinent afin d’éviter de retrouver trop de surhumains dans nos cours. Pour votre information, lorsque les temps de repos en spinning sont inférieurs à 30 s et/ou inférieurs à la durée de l’effort, il est moins que probable que la puissance de travail pourra être maintenue d’un sprint à l’autre. Que vous soyez sédentaire, athlète ou même un athlète dopé, ça ne se passera pas.

J’observe aussi cette fâcheuse tendance à vouloir trop en faire chez les femmes qui souhaitent perdre du poids. On ajoute des répétitions, on ajoute du cardio, on ajoute constamment quelque chose à l’entraînement afin de s’assurer d’en faire plus. La mode actuelle pour la perte de poids en entraînement en salle consiste à faire des intervalles (surtout pas de l’entraînement en continu, ça tue d’en faire le moindrement [sic!]). On décide donc de faire des tonnes et des tonnes d’intervalles. Parfois, certaines femmes vont faire plus d’entraînement par intervalles que certains cyclistes de niveau national. Malheureusement, la plupart de ces femmes n’ont pas la capacité aérobie suffisante pour dépenser une quantité importante de calories lors des entraînements. Encore plus problématique, elles font tous les intervalles et elles s’arrangent pour être en mesure de tous les faire. Il en résulte que l’on moyenne l’intensité pour arriver à faire le volume requis (le nb d’intervalles). Au final, l’intensité des intervalles est moindre (diminution des adaptations de la capacité aérobie) et on finit par causer une certaine fatigue à la longue. Cette fatigue finit par nous rattraper soit à court terme (dans la journée, par une réduction des activités physiques autres que l’entraînement) ou à moyen terme (après quelques semaines, on s’épuise de faire des intervalles tous les jours et on abandonne). Combien de femmes se lancent dans des programmes d’entraînement, y ajoutent du cardio comme bon leur semble et finissent par abandonner et reprendre le poids perdu? Trop…

Idem en musculation pour ceux qui veulent gagner du muscle. L’important c’est de faire du temps (je passe 2 h au gym donc je vais prendre de la masse) ou des séries (je fais 10 séries de chest, toi?) ou des exercices (je fais 24 exercices pour le haut de mon chest, toi?). On oublie que chaque série est caractérisée par une intensité (charge soulevée par répétition), un volume (charge x répétitions x amplitude) et une densité (durée de la série vs durée du repos). Ce sont ces paramètres qui dictent les adaptations, pas seulement le volume. Bien peu de gens sont en mesure de dépasser 45-60min d’entraînement en musculation en respectant les bons paramètres pour l’hypertrophie musculaire. Bien peu sont en mesure de soutenir la fatigue et de maintenir un minimum d’intensité combinée avec une densité adéquatement pour y arriver. Pourtant, plusieurs vont « réussir » à effectuer « sans problème » et avec « efficacité » leur séance pour gagner du muscle. Des surhumains je vous disais… La réalité, c’est que bien peu de ces surhumains sont en mesure de compléter plus de 3 séries de 12 répétitions maximales avec un repos incomplet de 60 s sur un exercice de développé des membres inférieurs sans avoir les yeux qui migrent vers le fond de la gorge.

Si la stratégie de gagner un objectif par le nombre comme l’a fait le général Patton avec ses Sherman lors de la Deuxième Guerre mondiale peut s’avérer profitable quelquefois, c’est rarement le cas avec le corps humain. Lorsque l’Égo et le désir de s’affirmer par ses prouesses physiques dépassent les réalités et les normes de la physiologie de l’exercice, on assiste à un triste spectacle. On ne s’entraîne plus pour se dépasser, on s’entraîne pour avoir l’air de celui ou celle qui dépasse l’autre à côté. L’important en entraînement, c’est la justesse de la sollicitation et de la récupération qui sont gage de succès et non l’ajout continuel et sans réflexion d’une quantité anormale de temps, séries ou exercices.